Lorsque le voyageur parcourt ces plaines fécondes où des eaux tranquilles entretiennent par leur cours régulier une végétation abondante, et dont le sol, foulé par un peuple nombreux, orné de villages florissants, de riches cités, de monuments superbes, n'est jamais troublé que par les ravages de la guerre ou par l'oppression des hommes puissants, il n'est pas tenté de croire que la nature ait eu aussi ses guerres intestines, et que la surface du globe ait été bouleversée par des révolutions successives et des catastrophes diverses; mais ses idées changent dès qu'il cherche à creuser ce sol aujourd'hui si paisible, ou qu'il s'élève aux collines qui bordent la plaine; elles se développent pour ainsi dire avec sa vue; elles commencent à embrasser l'étendue et la grandeur de ces événements antiques dès qu'il gravit les chaînes plus élevées dont ces collines couvrent le pied, ou qu'en suivant les lits des torrents qui en descendent il pénètre dans leur intérieur.
J'essaie de parcourir une route où l'on n'a encore hasardé que quelques pas, et de faire connaître un genre de monuments presque toujours négligé, quoique indispensable pour l'histoire du globe.
Antiquaire d'une espèce nouvelle, il m'a fallu apprendre à déchiffrer et à restaurer ces monuments, à reconnaître et à rapprocher dans leur ordre primitif les fragments épars et mutilés dont ils se composent; à reconstruire les êtres antiques auxquels ces fragments appartenaient; à les reproduire avec leurs proportions et leurs caractères; à les comparer enfin à ceux qui vivent aujourd'hui à la surface du globe: art presque inconnu, et qui supposait une science à peine effleurée auparavant, celle des lois qui président aux coexistences des formes des diverses parties dans les êtres organisés.