Tout m'énerve.
A commencer par cette exagération qui me fait écrire : "tout m'énerve" quand l'exactitude serait de préciser – cent choses, mille choses m'énervent. C'est sans doute ce que l'on nomme l'emphase poétique. Au feu, l'emphase ! D'un autre côté, commencer un livre modestement... Comme dans l'Ouverture de 1812 de l'emphatique Tchaïkovski, le coup de canon est de rigueur chez les auteurs pusillanimes qui doutent de leur pouvoir de conviction. Ils s'imaginent qu'en étourdissant d'emblée leurs lecteurs, ils les laisseront dans un état second, quasi anesthésique, à la faveur duquel ils entreprendront plus facilement leur conquête. Car chacun sait que le lecteur est, sinon la plus noble, du moins la plus difficile conquête de l'auteur et, qu'en principe, celui-ci n'existe que dans la mesure où il a séduit celui-là. Il y a des exceptions, Finnegans Wake de Joyce s'est imposé presque sans lecteurs