[...] ... C'était un mauvais moment à passer, voilà tout ! Dans une heure ou deux, Jeanne Papelier s'éveillerait, s'apercevrait que son brillant avait disparu. Elle ne tenait peut-être pas à grand chose, mais elle tenait à ce bijou qu'elle égarait une fois par semaine et qu'elle retrouvait invariablement à la place où elle-même l'avait mis.
Chaque fois, c'était la même comédie. Elle appelait les domestiques, les invités. Elle les regardait tous d'un air soupçonneux. Elle criait :
- "Qui est-ce qui a chipé mon brillant ?"
Et elle mettait la villa sens-dessus dessous, visitant les chambres des domestiques et même les chambres d'amis, grondant, menaçant, se lamentant.
- "Si quelqu'un a besoin d'argent, il n'a qu'à le dire ... Mais qu'on me vole mon brillant ! ... A moi qui donnerais ma chemise si on me la demandait ! ..."
C'était vrai. Il y avait toujours cinq ou six personnes, sinon dix, à vivre aux Mimosas. De vagues amis qui arrivaient pour deux jours et qui restaient un mois ! Des femmes et des hommes, des femmes surtout ...
- "Tu n'as pas apporté de robe du soir et tu veux aller au casinon ? ... Viens avec moi ... Choisis ..."
Elle donnait ses robes. Elle donnait ses étuis à cigarettes, ses briquets, ses sacs à main. Quand elle avait bu, elle donnait tout ce qui lui tombait sur les yeux, quitte une fois de sang-froid, à grommeler :
- "Ces gens qui viennent ici pour se faire entretenir ... "
Elle donnait à ses domestiques, à tout le monde. Sauf à Vladimir, parce que Vladimir, c'était autre chose. ... [...]