Paysage
1
Brins du soleil ! Refluent, tant ils sont verts,
Dorment sur le bleu,
Dans l'air les couteaux sont figés,
L’artillerie du jour se tait.
Le bassin des fontaines ? Plus lové qu'un songe,
Plus nobles étincelles vont et viennent.
2
Scintillement de gerbe du rocher,
Butée massive des forêts,
Clairière ? Un pont vers le ciel.
3
Ces mystérieux embruns, ces touches délicates,
Fleurs des champs, goûters d'octobre
Sur la colline, plans et facettes,
Fil apparent, secret parfois
Comme un frémissement parcourt une lisière,
Bois seigneuriaux, les grands arceaux d'images.
Alpiniste du sommeil
Dans les colorations sans nombre
De nos lettres,
La précession des équinoxes t’accompagne,
Lanceur de feu,
Souffleur du géant Cristal.
L'orage bleu,
Par les vallées tournoient ses bras de poulpe.
De fortes mains cardent la nuit,
Laine exaltée que l'aube ordonne.
Cœur opaque, terre assiégée
Que maltraitent des pas distraits,
Vous emporte le dieu
Dans les tranquilles bonds de la lumière !
ONTARIO
3
Un insecte est posé sur ma rame,
La forêt nous désigne et passe
Avec un haussement d'épaule.
Raflons
Ce vol tranchant de condor
Le bond furieux des otaries,
La patience du lézard.
Posons
Des briques chaudes sur la neige,
Enivrons-nous de sel et de vapeur,
Le gant du froid, retournons-le.
Soyons « un » dans la tourmente, la défaite,
Vigilant sous les métamorphoses.
ONTARIO
4
L'alphabet court le long des rails,
Les bourgades s'amoncellent,
Des fermes sont assises.
La halte à minuit,
Quand le vert dévalait sec et sombre.
Les cargos des Grands Lacs, turbulents et racés,
D'infinis trains de bois.
L'Asie jouxte les quais,
Du blé circule entre les viandes.
Roulait ‒ sans heurt
La perle des prairies :
L'étranger, tout un soir,
Dans les yeux clairs de la servante
L'aura touchée.
Mélancolie du long cigare
Inquiet sous la véranda,
Frémissement des plantations nocturnes,
Bruit léger du rapide
Aiguisé dans la nuit,
L'ordinateur prévoit les vagues,
L'orbe des vents solaires,
Un voyageur lâche un journal
Et songe.
ONTARIO
1
L'adieu à mes bois, dans l'après-midi :
Le soleil fut, déterrait la colline,
L'emporta.
Prendrai-je un autre sac ? Déferai-je
Un bouton de ma chemise ?
Le ciel a des mains d'anthracite,
Je partirai durant l'orage.
ONTARIO
2
Forêts, forêts, poutrelles d'or
Liant le ciel à son désir,
Gouffres fervents des origines,
Vous tressaillez, quand s'interrompent deux pensées,
Pour, en secret, vous célébrer.
Dans l’air docile…
Dans l’air docile une maison gravite.
J’ai ressaisi le fleuve,
À la bouche écumante j’ai livré mon sort.
Lavé, drossé, grêlé par les embruns,
Je gronde sous l’approche.
Apre vaisseau je m’enfuirai
Parmi les bêtes.
LE FLEUVE AGRESTE…
LE FLEUVE AGRESTE des chansons dans les étages,
Des meules dans les chambres,
Des craquements de bête sous l’armoire.
L’étang sous les baies rouges,
Qu’il affleure, dormeur sombre,
Sous les plinthes !