En ce début du XXIe siècle, à l'heure de l'Europe, il ne peut plus exister d'Aubrac Aveyronnais, d'Aubrac Cantalien ou d'Aubrac Lozérien. Il n'existe qu'un Aubrac, et tous ses amoureux qui le parcourent à longueur d'année, vous le diront : ils se moquent éperdument de se promener et de rêver dans l'Aveyron, le Cantal ou la Lozère. Ils se moquent de toute les frontières administratives, quand en passant ils caressent de la main la rondeur d'une roche basaltique sculptée par les volcans et les vents.
Aubrac
Là-haut, dans le ciel d'Aubrac,
Tout comme les Caravelles
De Christophe Colomb,
Des nuages naviguent
Toutes voiles dehors.
Ils font vivre la terre
Par les ombres
Que le soleil anime.
Ici, ils creusent le sol
D'un soc de granit.
Là, ils éclairent un troupeau
Qui depuis l'aine d'un ruisseau
Se disperse à coup de sonnailles.
Ils jouent avec les herbes vertes
Et jaunes aussi,
Qui comme autant de vagues
Roulent sous le vent.
On rêve alors d'Irlande
Et de yourtes Mongoles.
Et puis le ciel grisaille
Pour servir d'écrin
A un soleil blanc,
Juste un peu avant
Que le vent ne se lève
Et tourmente la neige
Jusqu'à en faire des murs.
L'hiver s'installe alors
Dans un confort douillet
Qui ébouriffe les moineaux
Et jette des gerbes d'étincelles,
Cheveux d'étoiles filantes,
Dans toutes les cheminées.
Hêtres
Parfois dans les forêts
Il y a des chemins
Où l'on n'a pas besoin
De se tenir par la main.
De branche à branche,
Et du frisson d'une feuille,
Les grands hêtres
Sous l'écorce d'un été
Presque finissant
Nous mettent en émoi
Un presque rien
Nous conte aussitôt un demain
Dans le sentier du rêve.
Naissent alors des désirs,
Dans l'impossible
Du toujours...
Possible.
Heureusement le chemin
De nos forêts nous conduit
Dans des ailleurs
Qui se ressemblent
Parce qu'ils ont
Notre âge.
Bref, si certains journalistes stagiaires ont débuté leur carrière par les fameux chiens écrasés, moi c'est par les vaches! Et pas n'importe lesquelles, puisque ce sont celles qui ont les plus beaux yeux du monde.
Le cerf a quelque chose d'irréel. Le matin surtout, quand traînent, ici et là, dans les clairières des lambeaux de brumes, et qu'il s'en fait des écharpes dont il se moque.
Sur l'Aubrac, tout semble être lié à l'hiver et aux inconvénients de cette saison alors que, le plus souvent, il s'agit d'une période magnifique qui précède un printemps grandiose mais pluvieux et multicolore de fleurs sauvages, un été brûlant agrémenté de nuits fraîches et un automne somptueux qui repeint la nature à la poussière d'or comme la cathédrale de Florence.
La bonne cuisine, familiale, goûteuse, dont le fumet fait souvent tourner les chiens en bourriques dans les cours des fermes quand la porte s'ouvre, est toujours d'actualité. Il s'agit de cette cuisine de femmes, qui se transmet encore de génération en génération, et à laquelle même les hommes se sont mis.
Un soleil tout aussi blanc que la neige fait soudain son apparition. Le paysage s'illumine. C'est grandiose. La poussière de neige brille dans le soleil. C'est un tout autre monde avec des grillages ouvragés par le gel, une fontaine statufiée, des murets sans le basalte, des arbres transis jusque dans leurs branches immobiles.
Pour fleurir les légendes de ce pays qui touche le ciel, rien ne vaut la gentiane, princesse de cette Mongolie miniature, même si, dans le Massif central, tout le monde ou presque la célèbre.
Il ne faut pas oublier que sur la montagne on est d'un acier bien trempé. On a son caractère et on reste obstiné.