Rose et Gilles GANDY - Médecine Symbolique - ITW Forum des médecines de l'âme - Angers 2023.
L’addiction est une façon de retourner la culpabilité contre soi et de se « faire payer ». Il est très intéressant de remarquer que les fumeurs veulent « respirer » et qu’ils satisfont ce besoin naturel en mettant de la fumée toxique dans l’organe qui respire. Ils aboutissent exactement à l’opposé du besoin de départ. De la même façon, les gens qui prennent des drogues désirent au fond changer d’état de conscience, mais le moyen utilisé (la drogue) les conduit au résultat inverse (le cerveau est atteint, et la conscience aussi). Enfin concernant l’alcool, qui est un « spiritueux », il y a chez le consommateur un désir non conscient de spiritualité : mais boire de l’alcool éloigne bien sûr de cet objectif !
Les négations sont les causes profondes de nos désordres. Nous commençons par un non mental, puis émotionnel, et ce non finit par s’incarner en nous. On dit alors qu’il y a maladie, ou « mal a dit », car la négation crée un nœud, un blocage d’énergie. Pour y remédier, la médecine cherche à donner un nom à cette maladie, comme s’il suffisait de nommer le mal pour désigner un coupable et dénouer le blocage. Hélas, nommer la maladie ne fait que rendre la personne un peu plus victime, car c’est l’effet qui est désigné et pas la cause.
L’être humain est donc né « coupé » plusieurs fois : il a été expulsé du ventre maternel, puis coupé de l’autre sexe et enfin doté d’un mental incapable de fonctionner autrement que sur un mode binaire. Dès lors vont apparaître les notions de jugement et de division : il y a les bons et les méchants, les travailleurs et les fainéants, les blancs et les noirs… Certes, cela peut sembler simpliste, mais vérifiez et vous verrez que votre mental fonctionne ainsi.
C’est ce type de jugement qui alimente le plus nos sentiments de culpabilité. Qu’il soit nommé « surmoi », « morale intérieure » ou « croyance », c’est lui qui nous donne la conscience et le discernement, mais c’est aussi lui qui nous rend souvent la vie impossible.
Je préfère rester victime !
Une inondation menace un village. Les pompiers passent et évacuent tous les habitants, mais le curé veut rester dans son église. « J’ai confiance en Dieu, il m’épargnera ! » Devant son refus, les pompiers continuent leur travail. Une heure plus tard, l’eau est montée et le curé s’est réfugié à l’étage. Les pompiers passent en barque et lui intiment de venir. Mais il refuse encore une fois avec le même argument : « N’ayez pas peur pour moi, je suis sous la protection de Dieu ! » L’eau monte encore et le curé se retrouve sur le toit. Cette fois, un hélicoptère le survole, mais il refuse de saisir l’échelle de corde. « Je sais que Dieu est avec moi, l’eau va s’arrêter de monter. »
Un peu plus tard, l’eau emporte tout et le curé meurt noyé…
Arrivé au ciel, il dit à Dieu : « J’avais foi en Toi et Tu m’as oublié ! »
Dieu lui répondit : « Je t’ai envoyé trois fois du secours, et trois fois tu as refusé ! »
Les plus connues concernant la culpabilité sont la cigarette et les drogues. La cigarette cache souvent, quand on commence à fumer, un besoin de « respirer ». D’ailleurs, les fumeurs disent fréquemment qu’ils vont « prendre l’air » quand ils sortent pour fumer. Or, le besoin de respirer représente le besoin de vivre et d’être libre. Il est très fortement ressenti dans la période de l’adolescence et de la préadolescence, et c’est presque toujours à ce moment-là que les personnes commencent à fumer. Les jeunes verbalisent le mal-être existentiel de cette période en disant « ça me pompe l’air ». Plus tard, quand les personnes réussissent à s’arrêter de fumer, elles rechutent toujours lors d’une phase de vie difficile où elles dépriment.
Les émotions s’expriment bien sûr dans le corps, et il est fondamental d’en avoir une compréhension biologique avant de chercher des réponses psychologiques. Or, notre médecine occidentale est relativement désarmée sur le plan de l’émotionnel ! Elle a très bien décrit la matière et l’infiniment petit, elle a aussi beaucoup analysé le cerveau et les manifestations des émotions dans les différents hémisphères cérébraux. Pourtant, que peut-elle dire à un patient qui « se sent coupable » ? À part la prescription d’un quelconque médicament, ses réponses restent insuffisantes : le mieux est alors d’aller consulter des spécialistes, psychothérapeutes ou psychanalystes, par exemple.
La culpabilité est l’émotion qui nous permet de grandir. Elle touche le domaine physique avec les problématiques de séparation, le domaine affectif et existentiel avec les problématiques de honte/fierté, et enfin le domaine mental avec le jugement sur soi.
La plupart des gens jouent le rôle de victime pour être sûrs d’obtenir leur paradis. Expliquons un peu : une victime est toujours présumée innocente. Un mort est présumé innocent et aussi un vivant qui souffre, que cela soit dû à sa situation ou à une maladie. Cette position de victime va entraîner sûrement la compassion de Dieu, pense-t-on… Il s’agit bien sûr d’un positionnement infantile qui prend naissance rapidement quand le bébé s’aperçoit que l’entourage accourt s’il manifeste une plainte, des pleurs ou des grognements. Ce positionnement cesse au fur et à mesure que l’enfant devient autonome et qu’on lui apprend à se débrouiller par lui-même.
Beaucoup disent en parlant d’un décès soudain par crise cardiaque : « Oh, quelle belle mort, au moins, il n’a pas souffert ! » Est-il possible de penser que cela soit pour une personne la meilleure façon de partir ? Nous n’avons pas pu vivre en pleine conscience le passage de notre naissance, ne pouvons-nous pas effectuer le passage inverse avec une conscience avisée ?
Si nous approfondissons un peu, nous nous apercevons que le jugement que nous portons sur nous cherche souvent à nous faire éviter la rencontre avec une partie de nous-mêmes que nous n’acceptons pas vraiment.
C’est ainsi que l’on peut se sentir coupable durant toute sa vie, alors que l’émotion d’origine – la tristesse d’être séparé de sa mère, par exemple –, ne dure que quelques minutes si elle est vécue correctement.