Elle mourut le jour de la Saint-Etienne. Elle était divorcée depuis trois jours. Elle avait remporté la partie. En réglant l'horloge de la vie et de la mort, elle avait obtenu sa vengeance sans effusion de sang.
La profession d'artiste de théâtre peut paraître modeste, futile, et pourtant aucun homme n'a dit des choses aussi belles et aussi vraies que Shakespeare ou d'autres dramaturges, plus anciens ou plus récents. Comparé à eux, le romancier le plus sérieux ou le plus populaire n'est qu'un amateur.
Dans cette confusion d'attitudes et de réalités différentes, une chose, toutefois, réunissait ces jeunes gens : la disposition à être solidaires entre eux, du fait qu'ils avaient le même âge. Cet âge leur donnait la capacité de concevoir des projets, des idées, des sentiments interdits à ceux qui avaient outrepassé depuis longtemps, ou depuis peu, le seuil de ces années magiques. C'est toujours grâce aux jeunes que la terre n'a pas tourné en vain dans l'espace, et s'il est vrai que l'homme naît avec une propension à faire le mal, le désir du bien surgit justement à cet âge-là, qui est celui des choix.
Les moteurs d'une telle société étaient la richesse, la propriété, l'accumulation. Ils avaient pour symbole l'argent, un signe conventionnel de papier ou de métal, grâce auquel les individus se communiquaient leur situation financière avant de passer un contrat pour acheter, ou vendre, des marchandises ou des outils de travail.
La lumière était très claire. "Cette lumière a vraiment quelque chose de l'éternité", se dit-il.
Mais ta vie ne m'appartient plus, je ne peux plus disposer de toi, puisqu'elle t'appartient désormais, comme elle appartient au hasard, à la vie même, à l'univers..
Les citoyens jouissaient tous plus ou moins des mêmes droits et devaient se soumettre aux mêmes contraintes. La propriété privée avait été rigoureusement abolie, et même la possession d'une automobile ou d'une motocyclette devait être discutée et approuvée par un comité chargé de cette fonction. L'"avenir meilleur" prévoyait la suspension de toute forme d'exploitation et la possibilité d'un travail approprié pour chaque individu. La société pourvoirait à chacun de ses membres selon ses besoins. On donnerait aux infirmes, comme aux gens les plus robustes ou les plus intelligents, ce que leurs besoins leur imposaient : assistance, travail, instruction, soutien, repos, tout cela selon les chiffres d'une égalité absolue. Pour veiller à ce que ce plan soit exécuté avec une fidélité absolue par rapport au projet initial, il fallait un parti. L'avenir était assez éloigné : dans cinquante ans, dans un siècle peut-être, on arriverait à le concrétiser, mais entre-temps, il fallait se sacrifier pour ce bien si précieux, pour cette idée dont les enfants, ou même les enfants des enfants, verraient peut-être l'accomplissement. Une génération entière devait travailler afin d'offrir à la suivante une vie meilleure. Mais sans doute faudrait-il se sacrifier pendant deux ou trois générations pour le bien de la quatrième. A ceux qui n'admettaient pas cette philosophie étaient réservés la prison et les camps d'internement. L'avenir, la joie de mener une vie idyllique exigeaient la chasteté de tout un peuple. Peut-on demander à tous, indistinctement, un tel renoncement, pour une chose qui est en dehors de soi, en dehors du présent, dans une époque hypothétique, un avenir qui restera toujours tel pour ceux qui vivent maintenant, dans le présent ?
Il me vint l'idée que ce vêtement pouvait au contraire signifier un état permanent de départ, où plutôt de fuite.