Si les grands noms de l’industrie française manient l’art de la litote, certains patrons de PME peuvent répondre plus sèchement lorsqu’ils sont amenés à réagir sur leur activité en prison. Ainsi, les entreprises Wittendal, Smartech ou Pascual, après avoir tenté de savoir comment leurs coordonnées avaient été transmises, objectent une fin de non-recevoir en raccrochant très promptement. La colère s’entend aussi chez ce concessionnaire qui perd son sang-froid au point de se livrer à des menaces physiques, avant de se reprendre et d’accepter de témoigner anonymement. (…) Les concessionnaires et leurs donneurs d’ordre veulent évoluer en prison en toute discrétion. Pas question pour les responsables travail de l’AP de mettre en avant les noms des entreprises clientes des concessionnaires, comme le résume Dominique Orsini : « Quand on va voir les concessionnaires, ils nous disent : « Surtout ne photographiez pas ça, ne dites pas que j’ai untel comme client ». »
« On délocalise en Chine ou on sous-traite en prison ? » Certains patrons de PME, concessionnaires d’ateliers pénitentiaires ou sous-traitants de grandes entreprises (L’Oréal, Bic, La Redoute, Yves Rocher, Bouygues, etc.) ont fait leur choix. Pour un entrepreneur prêt à tout pour rogner ses coûts de fabrication, les prisons françaises offrent des conditions de travail similaires à la Chine ou à la Roumanie, les frais de transport et le décalage horaire en moins.
Excepté dans les établissements et services d’aide par le travail – Esat, anciennement centres d’aide par le travail (CAT) -, spécialisés dans l’emploi de salariés handicapés, où peut-on rémunérer son personnel 3 euros bruts de l’heure ?
En France, hormis en prison, où peut-on (légalement) faire travailler des femmes et des hommes sans contrat de travail ?
Et ce ne sont pas les 100 prisonniers payés 800 euros bruts et plus pour des activités professionnelles pointues et à responsabilité qui risquent de mettre l’AP dans le rouge. En cumulé (6 550 postes au service général et 1 000 postes à la RIEP), la masse salariale des détenus, ponctionnée sur les deniers directs de l’AP, reste infime en comparaison de ce que les directions de chaque prison devraient payer si elles rémunéraient, ne serait-ce qu’au Smic, des salariés libres pour effectuer, par exemple, le ménage ou la cuisine.