Le vide, le globe qu'est ma vie
[…]
Un sourire crève l'horizon Un monde partagé
s'ouvre
Je m'échauffe
puis je pense aux conditions objectives
et je me tais rapidement
les forces catatoniques se mettent en mouvement
le globe terrestre que j'ai reçu de mes parents
je voudrais le peindre en blanc
pour qu'il soit ainsi plus juste
et maintenant c'est l'image du monde
tel que le voyait le XIXe siècle
nous avons blanchi le globe
le monde est BLANC
p.29-31
Le meurtre étendu, horizontal.
1
Le meurtre étendu, horizontal
2
Rétrécit
l'horizon circulaire
3
Un volant, avec à la surface
des membres uniformément répartis
traverse l'appartement en tourbillonnant
4
Le 6 novembre 1964 :
La femme-squelette avec l'enfant-ballon
en fuite
du Congo au Burundi
ou bien partout ailleurs mais pas ici
5
Tout mouvement évolue
vers l'intérieur
6
L'enfant rétrécit toujours
plus blanc, un
point
éblouissant, toujours plus petit
7
Il naît vers l'intérieur
p.43-44
MAINTENANT
tu es
avec moi
là sur le papier
imagine
toi sur
le papier blanc
un grand
ovale irrégulier
Il respire
Il est blanc
Tu es
en lui
Tu ne peux
parvenir à la moindre union
et te débarrasser de lui
Ce papier-là
n'existe pas
Toi seulement
à l'intérieur de l'ovale
Toi
tu l'aspires
Maintenant il respire
en toi
p.33
LA maison commence maintenant
très lentement à s'éveiller
à la vie
Des cris d'enfants, le bruit de pas qui courent
résonnent à travers le béton
monte des appartements du dessous
Parfois
je m'imagine la maison
comme une oreille énorme
qui produit elle-même le son
qu'elle perçoit
Simultanément : elle tend ses lobes
écoute l'espace
Lorsque j'entends un avion dans l'espace
il me semble être moi-même
au fond de l'oreille : les os de l'oreille
sont les os de mon corps
assis dans ma chambre je tremble
oscillant à la mesure des ondes sonores
Je voudrais pouvoir frapper du marteau
l'enclume et faire résonner
l'oreille entière comme un gong !
deux petites figures dans la brume, en bas sur la
pelouse au bord de l'allée pavée :
des enfants.
Ils vivent en mon oreille
ou dans les oreilles à l'entour.
p.24-25
LES limites
de la valeur
humaine
s'étalent sur le papier La production
de papier
ne suffit pas à ceux
qui en ont besoin
Tous les enfants dans le ventre de leur mère !
j'étais
là, je suis né, je suis mort
j'ai vu ma tombe
me suis moi-même appelé
" petit frère "
sur le papier je figure deux fois
ma valeur
a deux fois été définie
et différemment conçue
Toute valeur porte le même nom
Elle ne figure
que sur le papier
L'image du mort
n'y figure pas
personne ne s'en est chargé
Le papier ne suffisait pas
Il est impossible
d'en produire en suffisance pour
tous les enfants
Donnez-leur à tous le même
nom !
Comment t'appelles-tu, petit frère ?
p.46-47
Le vide, le globe qu'est ma vie
peut-il s'emplir
« il doit y avoir tant d'irréel
dans toutes les pièces, les appartements
…
notre appartement aussi contient son irréel
moi-même
une petite boule qui tourne
une irréalité
une goutte, vide
tombant
ou glissant à l'horizontal
p.29