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Citation de neyklee


C’est la combinaison de ces deux traditions, celle des systèmes d’enregistrement, de codification et de tabulation de données chiffrées appliqués aux questions démographiques, et celle du calcule des probabilités, fournissant des outils mathématiques pour appréhender et interpréter la diversité de ces données, tout en permettant d’orienter les décisions, qui est considérée comme fondatrice de la statistique moderne. Les travaux d’histoire des statistiques, qui se sont multipliés depuis les années 1980 (notamment avec Ian Hacking, Stephen Stigler et Alain Desrosières) montrent que, même si le langage statistique s’appuie de nos jours sur des concepts bien formalisés et en apparence universels, comme “moyenne”, “estimation”, “écart-type”, “échantillon” ou “classe d’équivalence”, ces concepts, de même que les outils actuels de la statistique, avant d’avoir été acceptés par consensus n’aillaient pas de soi et que c’est toujours le cas actuellement, tant ils sont le produit d’une construction épistémologique qui a duré plusieurs siècles. L’historien des sciences et sociologue Eric Brian met notamment en garde les historiens de l’économie contre l’aporie qui oppose l’historicité des données chiffrées et l’abstraction des nombres : “Faut-il se contenter de cueillir les chiffre du passé, puis les soumettre aux calculs actuels en renonçant à les considérer comme des objets d’histoire ou bien faut-il douter des calculs et réserves son attention aux pratiques et aux savoirs qui ont donné sens au documents connues ?”
Les données chiffrées de la statistique, qui correspondent à des problématiques historiquement déterminés opèrent en fait, une fois écrites, comme des “des nombres affranchis de leur contexte spécifiques et susceptibles de comparaisons et de calculs” qui, par le “jeu de catégories mentales renouvelées” au fil du temps, pourraient donner l’illusion de nombres abstraits, indépendants de leur contexte, alors qu’ils en sont très exactement le produit.
Il convient donc de questionner non seulement l’objectivité et la factualité que nous prêtons habituellement aux données chiffrées, qu’elles soient anciennes ou récentes, mais également la rigueur et la nature des dispositifs intellectuels et matériels mis en place pour les produire. Mettre en chiffres, ce n’est pas seulement mathématiser et homogénéiser la diversité du monde réel ; c’est établir des conventions de calcul, de présentation et d’interprétation, du point de vue conceptuel et matériel, pour “traiter les faits sociaux comme des choses”, si on reprend la célèbre formule du sociologue Emile Durkheim (1858-1917)
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