On n’échappe pas à l’ancrage national, à l’enracinement dans une culture qui est, en même temps qu’un découpage particulier du champ du savoir, une façon de vivre et de penser, en réponse à des conditions d’existence collective particulières à chaque peuple.
Prendre le pouls des lettres françaises au Québec, dresser un état de la recherche québécoise portant sur l’ensemble du fonds français, voilà le but que s’était fixé le comité organisateur de ce colloque. Question fort vaste on en conviendra, dont on ne ferait sans doute pas le tour complet, mais qu’il fallait poser maintenant. Trois volets principaux à cette interrogation, dont certaines composantes se recoupent fatalement, si l’on songe par exemple au rapport de la recherche à l’enseignement, ou à celui de la critique à la recherche.
Le XVIe siècle est moins bien partagé: l’absence de cours sur la Renaissance dans les programmes force les uns et les autres à se recycler, ce qui amène à un certain abandon de la recherche chez les spécialistes de cette époque. Ce qui n’empêche pas, de façon peut-être un peu paradoxale, de compter d’assez nombreux mémoires et thèses, soutenus ou en cours, portant sur ce siècle. Les seiziémistes souhaitent eux aussi un regroupement, et l’ouverture de voies pédagogiques nouvelles.
Nos écrivains continueront de lire éperdument la littérature française, tout en prétendant parfois s’en foutre éperdument.
Curieusement, dans certains milieux, on semble croire qu’il suffit de nier un ensemble de phénomènes pour - magiquement - les faire disparaître. Par exemple, pour l’écriture dite féminine, une certaine attitude la rature, l’autre la souligne. Le trait n’est pas au même niveau, mais c’est le trait qui est de trop.
Notre littérature sera toujours, successivement en conjonction et en opposition avec la littérature française. Je ne crois pas que nous puissions nous échapper de cette orbite, contrairement à la littérature américaine par rapport à la britannique. Ce qui nous manque, c’est «la masse critique».
La littérature française continuera de nous influencer, mais ce n’est peut-être pas elle qui agira comme catalyseur dans la chimie de nos mutations littéraires. De nombreux autres facteurs sont à l’œuvre dans ces transformations.
Étudier la littérature française: oui. Mais selon quels critères? Il ne s’agit pas d’un bloc monolithique et homogène. Quels courants choisir? Quels filons exploiter? Quel minerai en extraire pour notre usage?
Se promener dans l’espace - dans notre espace, - est un exercice qui fouette le sang. Se promener dans le temps - dans le temps littéraire de la langue - est un exercice qui fouette l’esprit.
En littérature, une certaine naïveté est nécessaire; une trop grande naïveté joue de mauvais tours. Il ne faut pas toujours recommencer l’histoire à zéro et croire que l’on a tout découvert.