Guy Le Thiec

Après avoir vu la série diffusée sur Canal plus et lu le premier livre de Claude Mossé, j'ai vraiment voulu en avoir le coeur net sur cette impitoyable famille de la renaissance italienne, qui à l'origine venait de Valencia, en Espagne. Les Borgia, si je me réfère à cette enquête, ont voulu se faire une très grande place dans la sphère politique et religieuse, quitte à employer des moyens franchement pas orthodoxes. En premier lieu, je pense à Rodrigo Borgia, qui a commencé sa vie en tant que prêtre et diacre ensuite, tout en ayant une réputation d'homme à femmes et essayant de tout faire pour obtenir la place de cardinal puis celle de pape (onze ans de pontificat c'est pas mal quand même!) D'autre part, ses enfants illégitimes, Pedro Luis, Juan, duc de Gandie et fils préféré, Cesare, d'une intelligence redoutable et dont Machiavel s'en inspirera pour écrire "le prince" , Lucrezia, enfant gâtée mais surtout manipulée et utilisée par son père et ses frères dans le but de satisfaire des ambitions politiques et personnelles et Goffredo, qui épousera la fille naturelle ou nièce (je ne m'en rappelle plus) du roi de Naples. Ils ont marqué leur temps et mine de rien ils ont protégé des artistes, mais ils n'étaient pas très différents des Médicis ou des Sforza. Une enquête historique qui explique vraiment la "légende noire" s'il y en a une, des Borgia!

Sur les Borgia, que n'a-t-on dit et écrit ? Raison pour laquelle il faut revenir aux sources. Cet ouvrage, dense et bref, récapitule tous les points, un à un. Il confronte la légende et l'histoire. Où l'on découvre que le pape, scandaleux s'il en fut, n'était pas un si mauvais bougre. Guy le Thiec s'offre le plaisir d'un procès en appel et d'une mise en lumière.

Alors que le nouveau pape François propose à l’Eglise catholique une réforme de son rapport à l’argent et au pouvoir temporel, comme on retourne à la Bible pour y puiser des bonnes – ou mauvaises – idées, les prélats en désespoir d’une corruption des âmes et des corps pourraient trouver une consolation littéraire dans la Correspondance des Borgia, qui demeurent, ad vitam aeternam, maîtres en la matière.



On a beau se dire qu’alors, on embrassait le sacerdoce comme toute autre carrière, le cynisme atteint son plein quand Jean félicite César en ces mots : « la Sainteté de Notre Seigneur, par sa grande clémence, a créé cardinal, votre Seigneurie Révérendissime ». A la façon d’Euripide et de ses Bacchantes, on pourrait se demander s’il fallait que « dans leurs erreurs, les dieux imitassent les hommes… »



Quant à l’opération du Saint-Esprit, elle est plus crûment exprimée entre Alexandre VI à Julia Farnèse, qui lui reproche de « se livrer à un étalon » - autre que lui – et qui lui intime l’ordre de lui revenir « sous peine d’excommunication » ! La mortalité de l’Eglise, c’est aussi cela…



(Parue dans Blake n°60)
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