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Citation de Partemps


Les Liaisons dangereuses ? Le livre, probablement, le plus intelligent jamais écrit à propos des « choses de l’amour », — et le plus subversif envers le conformisme ambiant. Toute la question est de savoir comment expliquer la persistance d’un tel effet, à deux siècles de distance. Il pourrait sembler, en effet, que la conception même d’un tel roman, ainsi que sa force de scandale, soient liées aux conditions historiques de sa naissance : à l’existence, en France, au XVIIIe siècle, d’une micro-communauté aristocratique, désoeuvrée, parfaitement libre dans sa pensée et dans ses moeurs, — et pour qui le libertinage était un « jeu de société » [11] se menant pour partie à découvert, pour partie clandestinement, dans l’affrontement aux tabous moraux et religieux officiels, eux-mêmes largement en voie de dissolution. En ce sens, la difficulté est de parvenir à penser pourquoi une audace et un défi de ce type nous concernent toujours, alors même que la société a changé, que la loi s’est déplacée, que les normes morales se sont transformées. Car tout se passe en effet comme si la transgression évoquée par Laclos ne violait pas seulement quelques interdits historiquement déterminés, mais s’attachait à profaner, au-delà, un préjugé quasi intemporel : la promotion du sentiment en valeur, l’idéalisation de la possession amoureuse, l’apologie de la passion. C’est dire, à propos de ce livre, que le « blasphème qu’il accomplit froidement » [12] n’a rien perdu de sa pertinence ; qu’il dérange aussi bien ce qui lui est contemporain (la sentimentalité rousseauiste, le culte de l’innocence) que ce qui l’a suivi (la « vertu » révolutionnaire, les illusions lyriques et idylliques du romantisme, la religion surréaliste de l’amour fou) — et jusqu’à la bien-pensance actuelle, et à ce flot dégoulinant de bons sentiments qui ne cesse de nous submerger. Que percevons-nous, en effet, à chaque instant, partout, autour de nous ? L’éloge incessant de l’amour, l’exaltation de l’innocence, le culte immodéré de l’enfance, la dévotion envers la nature, l’élévation de l’« émotion » au rang de valeur suprême (le terme exact serait plutôt « promotion » : pas de mot qui revienne plus fréquemment que celui d’« émotion » lorsqu’il s’agit de lancer publicitairement un film) ; tout cela doublé par l’affirmation incantatoire permanente des valeurs de moralité, de respect, de tolérance, de démocratie.
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