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Citation de lanard


Comment les intellectuels chrétiens des premiers siècles ont-ils construit leur propre identité en se distinguant des autres ou en s'y opposant? Peut-on discerner des façons spécifiquement chrétiennes de considérer les peuples de l'Orient et leurs traditions? Afin de donner un tour plus concret à notre démarche, je propose de comparer leur approche de deux peuples orientaux, les Indiens et les Arabes.
Bien qu'entrant tous deux dans la catégorie des peuples barbares, les Indiens et les Arabes étaient, eux yeux du monde antique, des barbares d'un genre différent. Les Indiens étaient considérés comme les dépositaires d'une respectable tradition culturelle. Ils étaient, pour le dire autrement, un authentique Kulturvolk. Les Arabes, en revanche, ou Saracènes, comme on les appelait le plus souvent, sont systématiquement décrits dans la littérature antique comme des habitants du désert, vivant tous des tentes, autrement dit comme un Naturvolk, des barbares au sens péjoratif. L'images des Indiens et des Arabes que se faisaient les chrétiens présente-t-elle des traits spécifiques qui la distingue de celle des auteurs païens?
Si, dans l'ensemble, ils n'ont pas développé, à propos des peuples étrangers, des conceptions anthropologiques d'une grande audace ou d'une grande originalité, les auteurs chrétiens ne se sentaient nullement tenus par ce qu'en rapportait la littérature hellénistique. C'est cette relative liberté qui leur permit de proposer une nouvelle vision de la sagesse indienne, et aussi de la nation arabe. Notons cependant que reconnaître la présence d'importantes vérités chez les barbares n'allait pas de soi pour les premiers théologiens chrétiens. D'un certain point de vue, il leur était plus difficile qu'aux païens, qui ne croyaient pas en une révélation divine, d'admettre que d'autres traditions religieuses puissent, elles aussi, avoir accès à la vérité. Ces barbares n'étaient-ils pas, en effet, des païens, et à ce titre, extérieurs à la révélation divine?
Mais ce qui semblait difficile à admettre d'un point de vue théologique abstrait fut rendu possible par la prise de conscience, chez les chrétiens, de l'unité de l'humanité et par leur rupture progressive avec la culture grecque et les représentations romaines. C'est parce qu'il était intimement convaincu de l'unité de l'humanité que Justin, au milieu du IIe siècle, put développer sa théorie du spermatikos logos imprégnant toutes les cultures comme une sorte de révélation parallèle et implicite. C'est cette même volonté de "récupérer", si l'on peut dire, ou de récapituler la sagesse de toute l'humanité, et pas seulement celle des Grecs, qui fit naître, chez Eusèbe, l'idée d'une praeparatio evangelica. Comme on sait, ce principe théologique entraîna une relativisation de la culture grecque. Mais il permit aussi, et on ne l'a pas toujours suffisamment souligné, l'apparition d'une certaine curiosité ethnologique à l'égard des autres civilisations.
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