Un homme, témoin des merveilles de cette illustre vie, s'était attaché au saint docteur, et s'instruisait à ses leçons. Il n'était point encore régénéré par l'eau mystique du baptême. Une fièvre dévorante, rongeant son faible corps jusqu'au fond des entrailles, en avait épuisé les forces et arraché la vie. Le maître était alors absent : les frères, dans un religieux recueillement, pleuraient tristement sur ce cadavre inanimé, plus affligés du supplice de son âme que de l'anéantissement de sa chair. Le saint arrive : il plaint le sort cruel du pauvre trépassé ; de larges pleurs inondent son visage ; tout le monastère retentit des cris de sa douleur. Puis, seul et sans témoins, il pénètre dans la triste cellule où reposent ces restes malheureux. Alors il se jette sur cet ami qui n'est plus, il couvre et embrasse de tous ses membres les membres froids du cadavre, exhalant un léger souffle sur ces lèvres roidies par la mort. Cependant il rapporte au Seigneur toute son espérance : il implore cette bonté divine qui ne lui fit jamais faute, cette infinie miséricorde qu'il connaît si bien ; et sa croyante ferveur obtient le prix de sa foi. La pure confiance de son âme reconnut la présence de Dieu, et les pieuses fibres de ses entrailles en ressentirent les effets. Deux heures s'étaient à peine écoulées, que son vœu s'accomplit. Peu à peu le cadavre ranimé s'agite sous le linceul ; le sang, ruisselant dans les veines, arrose les membres desséchés ; la poitrine glacée se réchauffe et respire ; les yeux fermés se rouvrent à la lumière : ô bonheur ! aux nouvelles clartés du jour qui leur est rendu, leurs premiers regards rencontrent Martin en renaissant au monde ! Par un soudain effort, le corps entier se redresse : la peau qui s'étendait livide sur ses membres décharnés, nourrie d'une sève meilleure, reprend sa fraîcheur vermeille.