Kluge.- Tu as dit un jour : " Qu'est-ce qui s'oppose à Auschwitz, dès lors que c'est faisable? "
Müller.- Le problème de notre civilisation est d'élaborer une alternative à Auschwitz et il n'en existe aucune. Il n'existe aucune argumentation contre Auschwitz. Si par exemple tu considères Auschwitz comme la métaphore - oui, métaphore est un mot très barbare - mais aussi comme la réalité de la sélection. Et la sélection est globalement le principe même de la politique. Il n'existe pas encore d'alternative à Auschwitz. On ne peut que faire des variations, atténuer, nuancer ou que sais-je encore.
Kluge.- On peut aussi se promettre que cela n'arrivera plus jamais. De cette façon cela se produira précisément à l'endroit le plus inattendu. Est-ce que tu mets l'accent là-dessus à présent ? Lorsque tu mets en avant la notion de faisabilité qui sous-tend la génétique, Tchernobyl, la politique d'apartheid en Afrique du Sud, dans les courants souterrains qui inventerons sûrement encore autre chose... penses-tu alors que le ventre est encore fécond ?
Müller.- Je veux dire simplement que tout ce qui est pensable est aussi faisable. Et tout ce qui est faisable sera fait. De n'importe quelle façon, n'importe quand, par n'importe qui.