AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


Mortensen s’était enfoncé plus profondément dans l’eau, dont la surface atteignait désormais sa lèvre inférieure. Soudain, un mot isolé se fit jour en lui, un mot qui lui parut à la fois étrange et grandiose : détective. Une fois la splendeur de ce mot dissipée dans la vapeur qui s’exhalait de la baignoire, Mortensen se demanda si cela existait encore, si cela avait jamais existé : des détectives. Et par là il n’entendait pas les employés d’agence, ces types douteux qui entraient dans la même catégorie que les journalistes prêts à en découdre, mais les indépendants, toujours auréolés d’une aura poétique, qui donnaient l’impression de n’être pas tout à fait de ce monde. Ils faisaient plutôt penser à des voyageurs temporels, des anges ou des extraterrestres coincés sur notre planète, souvent aussi à cause de l’alcool, et qui n’avaient rien trouvé de plus intelligent que de choisir un métier où l’on se mouvait, avec un pathétisme absurde, entre les gens et leurs crimes passés ou à venir.
« Sottises ! » marmonna Mortensen dans son eau de bain. Ayant complètement retrouvé ses esprits, il était conscient des lieux communs auxquels il venait de se livrer en pensée. Mais cette perspective lui plaisait. Il était fermement résolu à engager quelqu’un pour s’occuper de l’affaire et préserver ses intérêts à lui, Mortensen. Cela coûterait de l’argent. Mais tout bien considéré, cet argent, il l’avait. Et puis il était tombé amoureux de l’idée d’embaucher un détective. Ce qui le fascinait, entre autres, c’était la dimension de luxe. Oui, engager un détective revenait un peu à acquérir quelque chose d’extrêmement rare et distingué. Exactement comme s’il venait de prendre la décision d’investir sa fortune dans un minuscule, mais magnifique dessin du sieur Dominique Ingres.
Lorsque Mortensen se retrouva, une heure plus tard, assis à la grande table du salon – avec devant lui un verre de vin et l’annuaire professionnel de Stuttgart -, à passer en revue les petites annonces d’agences de détectives, la comparaison avec Ingres fit long feu. La façon dont ces agences ou ces bureaux de sécurité faisaient leur publicité lui remit en mémoire le caractère douteux, grossier, infâme, totalement indigne, de cette profession, toute sa pingrerie bornée, à ceci près qu’en l’occurrence cette pingrerie restait soigneusement cachée.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}