AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de ZeroJanvier79


Kiepert fait partie de ces personnes qui n’ont rejoint le parti national-socialiste qu’après 1933 et, aux yeux d’un observateur peu attentif, ils passent pour de bons nazis, ils n’ont rien à voir avec la brutalité des anciens combattants et des camarades du parti d’avant 1933. Ils ne se rendent pas compte non plus qu’ils sont bien plus coupables que ces derniers, parce qu’ils agissent par pur intérêt personnel et professionnel, et aussi par confort, en connaissance de cause et contre la voix de leur conscience, ils se considèrent comme des individus car ils ont des réserves sur tel ou tel dogme national-socialiste, alors qu’au fond ils se laissent prendre par des ruses de maquignon, ils ont sombré lentement mais sûrement dans la pensée de masse, finissent par réellement croire que Hitler est le bras de la Providence et que les Allemands sont le peuple élu, et abandonnent leurs derniers états d’âme lorsque la guerre soulève la question de l’être ou du non-être. Depuis, sans le remarquer et peut-être même sans le vouloir, ils se sont attachés si étroitement au régime national-socialiste que perdre la guerre, voir chuter le parti, signifierait aussi l’effondrement de leur propre existence. Le tour de passe-passe qui consiste à assimiler le parti national-socialiste au peuple allemand a ainsi définitivement marché, et si cette guerre n’a pas déclenché d’enthousiasme, la disposition intérieure du peuple allemand, en particulier du côté de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie, n’a pas été moindre que l’exaltation massive de 1914.

Le lieutenant de police Kiepert ne tolérerait probablement pas qu’on le décrive comme un homme enclin à se livrer à des brutalités et à des excès, une telle accusation ne provoquerait sans doute qu’un sourire incrédule et compatissant de sa part. Et de fait, c’est un homme plutôt agréable qui mène une vie de famille harmonieuse et ne manque de respect à personne, il n’est pas vraiment conscient d’être l’instrument d’un État tyrannique, d’une justice policière cruelle et d’une politique répressive monstrueuse. Quand, de temps à autre, il sonde sa conscience et soumet sa conduite à un examen, il se sent innocent. Certes, il exécute certains ordres avec réticence et il ne peut réprimer tout à fait un sentiment de pitié envers les personnes touchées, mais il ne s’attribue aucune responsabilité pour autant. Et quand ses états d’âme le tourmentent, il se justifie selon l’argument suivant : s’il y a faute, elle est à imputer aux ordres, sur lesquels il n’a aucun pouvoir et ne peut formuler aucune critique.

Kiepert est le citoyen type du IIIe Reich, une synthèse de respectabilité personnelle, de faible caractère et d’obéissance inconditionnelle à toutes les exigences de l’État. La schizophrénie de l’Allemand lambda, sa négation de l’unité entre l’être social et l’être individuel, et enfin l’étroitesse d’esprit imposée d’en haut conduisent à une pensée raciste qui permet à tout un peuple, à des millions de personnes laborieuses et ordonnées, de sombrer en une armée d’ilotes qui sape frénétiquement toute humanité avec le mécanisme d’un robot.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}