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Citation de enkidu_


Fort des liens privilégiés qui unissaient Byzance à Constantin le Grand, reconnu comme son fondateur, Constantin Porphyrogénète [règne de 913 à 959] n'hésita point à fonder une théorie de la noblesse des races, dont la base sera encore la référence à Constantin 1er. Il consacre un chapitre entier du De Administrando Imperio, à ce qu'on peut appeler, sans doute d'une manière un peu exagérée, « l'ordre racial ». Il distingue ainsi des races nobles, moins nobles, et dépourvues de toute noblesse, et ceci sans aucune considération pour les convictions religieuses des peuples, mais uniquement d'après l'ancienneté de leur culture, mesurée par leurs rapports plus ou moins étroits avec Constantin le Grand, c'est-à-dire avec Rome et Constantinople à la fois, c'est-à-dire avec Byzance.

De là à considérer l'histoire du peuple byzantin comme l'histoire de la race noble par excellence, il n'y avait qu'un pas à franchir, qui le fut d'ailleurs rapidement par les historiens et les élites intellectuelles de Byzance. Dans ce but a été aussi développée « la référence biblique », entretenue par l’Église, qui faisait des Byzantins « le nouveau peuple élu » ; disons, à ce propos, que la référence biblique, qui complétait ingénieusement la référence constantinienne et impériale, trouvait un grand écho auprès du peuple byzantin, convaincu de son rôle historique, et solidaire de la politique impérialiste de ses gouvernants. Ce comportement explique les avatars qu'a connus l'idée impérialiste byzantine ; son développement se trouve à l'origine du sentiment collectif de supériorité, du chauvinisme byzantin, qui a pris souvent la forme d'un racisme sui generis, parce que manifesté à l'égard de tout ce qui a été considéré comme étranger par l'ensemble des Byzantins. On constate que des expressions, « race sans honneur et sans dignité », « race corrompue », « race barbare », « peuple fruste et sanguinaire », sont fréquemment utilisées par les Byzantins pour désigner des peuples comme les Bulgares, les Russes et les Francs, caractérisés cependant par la chancellerie impériale, dans les documents qui leur étaient adressés, comme des nations « Très chrétiennes ».

Cette attitude byzantine à l'égard des étrangers, fondée surtout sur la supériorité de la culture grecque, devenue maintenant la source de la civilisation byzantine, marque, nous semble-t-il, une étape importante de l'élaboration de l'idée de nation à Byzance. On peut dire que l'Empire multi-ethnique et multinational qu'était auparavant Byzance a cédé sa place à un Empire gréco-orthodoxe, uniculturel, donc intolérant et intransigeant à l'égard des peuples et des nations mus par des idéaux différents. (pp. 52-52)
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