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Citation de lanard


La forme n’est qu’une vue de l’esprit, une spéculation sur l’étendue réduite à l’intelligibilité géométrique, tant qu’elle ne vit pas dans la matière. Comme l’espace de la vie, l’espace de l’art n’est pas sa propre figure schéma¬tique, son abréviation justement calculée. Bien que ce soit une illusion assez communément répandue, l’art n’est pas seulement une géométrie fantastique, ou plutôt une topologie plus complexe, il est lié au poids, à la densité, à la lumière, à la couleur. L’art le plus ascétique, celui qui vise à atteindre, avec des moyens pauvres et purs, les régions les plus désintéressées de la pensée et du sentiment, n’est pas seulement porté par la matière à laquelle il fait vœu d’échapper, mais nourri d’elle. Sans elle, non seulement il ne serait pas, mais encore il ne serait pas tel qu’il souhaite d’être, et son vain renoncement atteste encore la grandeur et la puissance de sa servitude. Les vieilles antinomies, esprit-matière, matière-forme, nous obsèdent encore avec autant d’empire que l’antique dualisme de la forme et du fond. Même s’il reste encore quelque ombre de signification ou de commodité à ces antithèses en logique pure, qui veut comprendre quoi que ce soit à la vie des formes doit commencer par s’en libérer. Toute science d’observation, surtout celle qui s’attache aux mouvements et aux créations de l’esprit humain, est essentiellement une phénoménologie, au sens étroit du mot. Ainsi nous avons chance de saisir d’authentiques valeurs spirituelles. L’étude de la face de la terre et de la genèse du relief, la morphogénie, donne un socle puissant à toute poétique du paysage, mais ne se propose pas cet objet.

Le physicien ne s’emploie pas à définir l’« esprit » auquel obéissent les transformations et les comportements de la pesanteur, de la chaleur, de la lumière, de l’électricité. Au surplus, on ne saurait confondre désormais l’inertie de la masse et la vie de la matière, puisque cette dernière, dans ses plus infimes replis, est toujours structure et action, c’est-à-dire forme, et plus nous restreignons le champ des métamorphoses, mieux nous saisissons l’intensité et la courbe de ses mouvements. Il n’y aurait que de la vanité dans ces controverses sur le vocabulaire, s’il n’engageait les méthodes.

Au moment où nous abordons le problème de la vie des formes dans la matière, nous ne séparons pas l’une et l’autre notion, et, si nous nous servons de deux termes, ce n’est pas pour donner une réalité objective à un procédé d’abstraction, mais pour montrer au contraire le caractère constant, indissoluble, irréductible d’un accord de fait. Ainsi la forme n’agit pas comme un principe supérieur modelant une masse passive, car on peut considérer que la matière impose sa propre forme à la forme. Aussi bien ne s’agit-il pas de matière et de forme en soi, mais de matières au pluriel, nombreuses, complexes, changeantes, ayant un aspect et un poids, issues de la nature, mais non pas naturelles.
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