[…] le principe d’EXCLUSIVITE [de la propriété] – c’est-à-dire le pouvoir reconnu au propriétaire de jouir librement de ses biens, et notamment de décider souverainement qui peut y avoir accès ou non, et sous quelles conditions.
L’avantage que la société gagne à reconnaître une telle pratique et à lui donner sa garantie juridique, n’est pas difficile à identifier. Il suffit d’un peu de bon sens.
Imaginez qu’on vous reconnaisse la libre disposition d’un champ. Personne ne vous conteste le droit d’en faire ce que vous désirez; d’y planter du blé, du maïs, d’y garder des vaches ou des moutons.
Mais en revanche, on ne vous reconnait pas le droit de l’enclore, ni de refuser, à quiconque la liberté de s’y promener en famille, d’y jouer au ballon, de cueillir ce qui y pousse, ou encore d’y mener paître ses propres bêtes. Quelles motivations aurez-vous à cultiver ce champ, à le mettre en valeur, à l’enrichir par des apports d’engrais ou des travaux de drainage? Quelles raisons aurez-vous de faire l’effort de le labourer, d’y semer des récoltes que vous n’aurez peut-être jamais l’occasion de voir arriver à maturité, ou encore d’y planter des arbres fruitiers dont les fruits seront mangés – ou peut-être même vendus - par d’autres? Aucune. Il y a toutes chances que vous laissiez votre terrain en jachère; […]
Sans possibilité d’exclure les intrus, pas de production possible; avoir l’exclusivité d’un bien permet de PRODUIRE PLUS et de vivre mieux que lorsque d’autres peuvent sans vergogne détruire ou s’approprier le fruit de votre travail. L’individu est incité à travailler mieux et plus, car il existe un lien direct et immédiat entre l’effort fourni et les avantages personnels qu’il en tire.
C’est bien ce que démontre l’attitude des paysans soviétiques et l’extraordinaire essor des marchés kolkhoziens privés (sans l’apport desquels l’U.R.S.S. vivrait dans un état de famine chronique) [publié en 1985].
(Ch. III, La propriété privée : pourquoi ?, p. 86-87)
La réponse que suggère l’analyse économique est la suivante : si la propriété existe, si la propriété privée est devenue le pilier sur lequel se sont construits les réalisations et les succès de notre civilisation, nous le devons à ses propriétés d’efficacité ; c’est le système qui, à l’expérience, s’est révélé le plus efficace pour résoudre les problèmes de vie et de survie que le caractère fini des ressources – la rareté – impose aux hommes.
(Ch. III, La propriété privée : pourquoi ?, p. 85)