Les morts occupaient tout l'espace. Il n'y avait pas de place pour l'oubli.
Nous étions tous coupables jusqu'à démonstration du contraire. Pas besoin de preuve. On en fabriquerait une plus tard.
Rien n'est permanent. Tout change. Tu traverseras des épreuves. Tu résisteras à tout.
Bien que témoins de la disparition de familles entières, nous n'osions pas demander où elles étaient passées. Nous faisions semblant de ne pas nous en apercevoir. D'une tragédie à l'autre, nous apprenions à mieux cacher nos sentiments. Cela ne faisait que les raviver intérieurement.
Une véritable colonne humaine, une marée d'hommes et de femmes expulsés, souvent séparés de leur famille, en procession les uns derrière les autres, semblables à des moutons en route pour l'abattoir.
Malheureusement, le communisme, poussé à son idéologie extrême par les Khmers rouges, a mené aux pires excès qu'un être humain puisse infliger à un autre. De mes années sous ce régime, c'est cette méchanceté, cette absence totale d'humanité qui m'ont le plus marquée. Devant tant de noirceur, j'ai opté pour la lumière et la beauté, et je continue d'en voir dans tout ce qui m'entoure, ainsi que dans mon sentiment de bien-être et de liberté. C'est là ma plus grande source de réconfort.
Pour les Cambodgiens, la défaite des Khmers rouges marquait la fin d'une époque, mais pas la fin de leurs malheurs. Tout était à recommencer. Il y avait des décisions à prendre et peu de certitudes sur lesquelles s'appuyer. Où aller ? Comment ? Pour combien de temps ?