Homa Katouzian

Il s'agit là de la biographie de référence du grand écrivain iranien. C'est un travail absolument remarquable, qui nous dépeint en détail la vie et l'œuvre de l’écrivain, en les replaçant dans leurs différents cadres : historique, politique, social, littéraire etc... Katouzian a pris contact pour cela avec tous ceux qui avaient eu des rapports avec Hedâyat, et pouvaient apporter des informations utiles, susceptibles d’être intégrées dans sa bibliographie.

A noter toutefois que Homa Katouzian n'a pas eu le temps de prendre vraiment en compte, au moins en ce qui concerne la Chouette Aveugle, le livre de l'ami de Hedayat, Maxime Féri Farzâneh, intitulé "Rencontres avec Sâdegh Hedayat", dont la traduction française a paru chez José Corti en 1993. Il est vrai que l'intervalle de près d'un demi-siècle qui sépare les événements relatés par Farzâneh de leur mise par écrit peut faire craindre que ces souvenirs n’aient été quelque peu déformés. Mais de la part de quelqu'un dont Hedayat fut l'idole, on peut s'attendre à ce que sa relation soit largement véridique. Or, si l’on en croit Farzâneh, Hedâyat lui a affirmé avoir écrit la Chouette Aveugle à Paris, donc avant son retour en Iran en 1930, se contentant de retoucher son roman jusqu'à son édition à Bombay en 1936. La Chouette Aveugle serait donc un hapax, une œuvre unique dans la production de Hedâyat, et non l'aboutissement du génie créateur de l'écrivain, comme Katouzian s'est efforcé de le démontrer. De même, Hedâyat s'insurgeait contre l'idée qu'il y ait eu un lien entre sa nouvelle "Enterré vivant" et "La Chouette Aveugle" autre que le fait que lui-même ait été l'auteur de ces deux œuvres. Enfin, Hedâyat aurait expliqué à Farzâneh le caractère unique de la Chouette Aveugle dans son œuvre par sa déception devant l'incapacité de ses contemporains iraniens à comprendre une telle œuvre. Ils méritaient des « Hâjji Aghâ's », pas d'autres œuvres de la même veine que la Chouette Aveugle, dont on est sans doute encore loin d’avoir fait le tour en 2016.