AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de MegGomar


Un souvenir me revient.
— Qui êtes-vous ?
Je demande.
— Je vous demande qui vous êtes.
Ma voix monte d’un cran.
Elle est assise contre le mur, dans le couloir, face à sa chambre.
Surprise, elle se relève. D’une voix calme elle se présente et explique
pourquoi elle se trouve là. Dans cette bataille épuisante où nous
faisons semblant de ne pas nous connaître, je ne cherche à rapporter
qu’un seul butin : qu’elle ne revienne plus ici, jamais.
— Je vous remercie, mais vous n’aviez pas besoin de vous
déranger. C’est une histoire qui ne concerne que notre famille.
Avec ce mot de famille, je dresse une muraille et la chasse de
l’autre côté. Elle hoche la tête, mais sans se résigner pour autant.
— Je suis venue parce que Green était inquiète.
Quoi ? Green ? Je n’aime pas que l’on appelle ma fille de cette
manière. C’est d’un ridicule, s’appeler par ces drôles de surnoms
qu’elles se sont donnés, rejetant les prénoms choisis par leurs parents.
Le devant de son T-shirt est trempé, ça a dû arriver pendant qu’elle
prenait soin de mon mari alité. Pourtant je ne lâche pas un mot.
— Rentrez bien. Mais ne vous donnez plus la peine de revenir.
Je pénètre dans la chambre et ferme derrière moi. À travers le
carreau de verre opaque de la porte, je vois sa silhouette qui va et
vient dans le couloir. Anxieuse, je ne la quitte pas du regard. Enfin la
porte s’ouvre et elle entre. Elle prend son sac laissé près de la fenêtre,
jette un œil en direction du lit, me précise que mon mari a mangé
deux bananes et un yaourt avant de s’endormir, il y a une heure. Je
règle l’humidificateur d’air et dépoussière vigoureusement le siège où
elle s’est sans doute assise. Elle quitte la chambre sans avoir reçu ni
remerciement ni le moindre mot. Je prends les bananes sur l’étagère
et le pot de yaourt, je jette le tout dans la poubelle. Ce n’est pas une
rêverie. C’est un souvenir.
Cette fille est sans aucun doute la partenaire de ma fille.
Quant à ce souvenir, il remonte à cinq ans. Peut-être trois. Je ne
me rappelle plus exactement.
Même après ce jour, elle a continué de venir régulièrement à
l’hôpital. Si elle me croisait, elle reprenait ses affaires et s’esquivait
sans un mot. Sinon, seule ou avec ma fille, elle veillait mon mari. Le
jour où ses cendres ont été déposées dans le columbarium, elle était
là aussi, parfaitement visible, à côté de ma fille.
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}