L'ÉCUME DU TEMPS - Roman - Ibrahima Hane
La vie, dans sa trajectoire imprévisible, est souvent d’une impitoyable cruauté.
Ces hommes si studieux, à l’apparence inoffensive, il le sait, concentrent les sentiments les plus durs parce que trempés dans le venin de l’ambition.
Escorté de son chef de cabinet, le ministre entre dans la salle. Tous, d’un seul bloc, se mettent debout. Cette manifestation de respect, bien plus proche de la soumission, fait partie d’un rituel destiné à briser les échines les plus récalcitrantes. Le ministre prend le temps de s’asseoir. Bien calé dans son fauteuil, il promène un regard dominateur sur ses collaborateurs attentifs et résolus. Il les connaît tous. Chacun est là pour une raison bien précise. Le critère de compétence ne joue pas dans leur sélection. Leur arrivée et leur maintien dans ce lieu ne dépendent que de lui, de son bon vouloir…
L’absence de dialogue favorise les fuites en avant et surtout la rancœur.
En privilégiant la bassesse et le larbinisme au détriment de la connaissance et de la compétence, les nouveaux pouvoirs ont été pour beaucoup dans l’enlisement de l’Afrique…
Ayant été les premiers collaborateurs des colonisateurs français, les Lébous ont bénéficié très tôt d’un statut privilégié. Fonctionnaires, étudiants, soldats se recrutent d’abord parmi eux. En leur octroyant la citoyenneté française, l’Administration coloniale les a placés d’une façon arbitraire au-dessus de toutes les communautés sénégalaises. Depuis, ce privilège, devenu un syndrome, poursuit tout ressortissant lébou.
Elle est déterminée à se battre jusqu’à sa dernière énergie. Elle évolue dans une société presque moyenâgeuse où la résistance d’une femme au diktat masculin est considérée comme un blasphème, voire un acte contre-nature. On attend d’elle qu’elle batte sa coulpe et qu’elle se soumette, conformément à son statut de femme.
Un cadre en position de faiblesse n’attire pas la commisération, mais ouvre une bataille implacable pour son remplacement.
Très jeune, il a été confié à un maître coranique qui devait lui enseigner les Écritures saintes. Amené avec d’autres garnements de son âge dans une grande ville de la côte, il apprend peu, mais engrange ruse et roublardise pour s’acquitter régulièrement de la somme d’argent que son marabout le force à verser quotidiennement.
Le père ne reste-t-il pas le spectateur privilégié des succès, l’arbitre compréhensif des déboires ?