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Citation de idirtas


De petites empreintes s’éloignent dans la poussière. Au bout du chemin, Ahmed reconnaît Ilès. Il avance, tête baissée, d’une démarche résolue. Ahmed se demande où il peut bien aller avec son sac sur l’épaule. Il hâte le pas pour le rejoindre. De le voir ainsi, il en a le cœur tout remué. Il a l’impression que ce bout d’homme suit les traces de son père, entraîné par une force fatidique.
— Tu nous quittes déjà ? demande-t-il en haussant le ton.
— Oui, répond l’enfant bourru.
— Tu vas me manquer, bonhomme !
Ilès ralentit son allure et se retourne subitement.
— Je t’écrirai.
— Non, ne m’écris pas.
— Pourquoi ? dit-il, le visage visiblement décontenancé.
— Je préfère que tu me parles avec les mots du monde.
Avec un accent triste, il dit tout à coup :
— Ce langage-là, je ne le connais pas, grand-père !
Son intonation est remplie d’une étrange sagesse. On dirait que le temps s’est retourné sur lui-même et qu’il se tient devant Mokrane. Ce bambin a la même obstination qui incite à battre en retraite.
— J’ai confiance en toi, je suis sûr que tu le découvriras tout seul.
Ilès porte alors ses yeux vers le ciel tout éclaboussé de lumière.
— Avec les nuages ? demande-t-il en ridant son front.
— Par exemple. Tu vois celui qui file vers le sud : on dirait un cheval qui se cabre. Je parie qu’il ne sait même pas où il va.
— Moi en tout cas je sais où je vais. Droit sur Alger. Là-bas, je retrouverai mes amis, et puis le port avec ses bateaux.
Les traits d’Ilès se ferment.
— Avant que tu t’en ailles, ça me ferait plaisir de te présenter mon dernier tour. Enfin si tu le veux bien.
— Quel tour ? dit-il sèchement.
— Le tour du roitelet.
L’enfant le considère avec un certain étonnement.
— Fis vite alors parce que je suis pressé. Il faut que j’arrive à Alger avant la nuit.
Ahmed sort de sa poche un mouchoir violet, le dénoue et montre à l’enfant un œuf piqueté de taches brunâtres. Il lève ensuite son bras en l’air et l’agite. Tout à coup, un roitelet huppé vient se poser sur l’épaule d’Ilès. L’oiseau se laissa caresser quelques secondes avant de disparaître.
— Alors ? demande-t-il tout rayonnant.
— C’est merveilleux, grand-père ! À moi de te montrer quelque chose, maintenant.
Il tire de son sac une boîte.
— C’est papa qui me l’a donnée pour garder tous mes trésors.
Il dépose dans la main du vieil homme un petit dé à coudre, puis un scarabée si clair que la lumière étincelle sur sa carapace.
— Maman m’a dit qu’on peut se servir de ce dé pour recoudre les nuages ensemble quand le ciel est en colère. À toi de choisir lequel tu préfères, grand-père.
— Il le faut vraiment ?
— Oui.
— Je prends le dé, mais à une condition.
— Laquelle ?
— Que tu retardes ton voyage. Demain nous irons ensemble voir la mer.
— Regarde ce nuage, grand-père ! Il file comme un poisson dans une rivière jaune.
— Tu vois, tu parles déjà le langage du monde.
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