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Citation de enkidu_


Considérée d'après ses documents légaux, la conception juridique interconfessionnelle des Chi'ites paraît beaucoup plus dure et plus rigide que celle des Sunnites. Dans leur loi se révèle une intolérance poussée au plus haut point à l'égard de ceux qui professent d'autres croyances. L'interprétation légale chï'ite n'a fait aucun usage des accommodements introduits par l'orthodoxie sunnite sur nombre de points où les idées anciennes se montraient très étroites. Tandis que l'Islam sunnite avait pour ainsi dire effacé, par l'interprétation finalement adoptée, la rigoureuse disposition du Qorân (9, v. 28) que « les infidèles sont impurs », la légalité chï'ite s'en tient à la lettre de cette prescription, déclare impure, au sens rituel, la substance corporelle de l'infidèle et range son contact au nombre des dix choses qui provoquent l'impureté (nadjâsat) au point de vue rituel. C'est un fait typique et pris sur le vif que l'étonnement du Hadji Baba de Morier (I c. 16), qui note « comme le plus extraordinaire trait de caractère des Anglais qu'ils ne regardent aucun homme comme quelque chose d'impur. Ils touchent aussi bien un Israélite que quelqu'un de leur tribu ». Au point de vue de la loi chï'ite, cette façon de considérer ceux qui ne partagent pas votre foi ne va pas précisément de soi. Nous pouvons en trouver maint exemple dans les ouvrages d'Européens qui ont vécu parmi des Chï'ites. Je me contente de citer quelques remarques tirées de l'ouvrage d'un sûr observateur de l’esprit populaire persan, le Dr J. E. Polak, qui vécut de longues années dans la Perse chï'ite en qualité de médecin attaché à la personne du Chah Nâsiral-dïn. « Un Européen survient-il par hasard au commencement du repas, le Persan tombe dans l'embarras, car les convenances lui interdisent de le renvoyer, et le laisser entrer ne va pas sans difficulté parce que les mets touchés par un infidèle passent pour impurs». « Les restes laissés par les Européens sont dédaignés par les domestiques et abandonnés aux chiens», et, parlant des voyages entrepris en Perse, « Que l'Européen ne néglige pas de se munir d'un vase pour boire ; on ne lui en prêtera un nulle part, parce que, d'après la croyance des Persans, tout vase devient impur dès qu'un infidèle s'en est servi ». Le même auteur raconte que le ministre contemporain des Affaires étrangères, Mirza Sayyid Khân, « se lave les yeux à la vue d'un Européen pour les préserver d'une souillure ». Ce ministre était un très pieux musulman, qui ne put se résoudre qu'à contrecœur, et pour raisons de santé, à user du vin comme remède. Mais finalement il trouva tant d'agrément à ce remède que « malgré sa piété l'on ne pouvait jamais le rencontrer à jeun ». Les chî'ites pratiquent la même intolérance à l'égard des Zoroastriens qui vivent parmi eux. Edward G. Browne raconte à ce propos mainte observation qu'il put faire pendant son séjour à Yezd. Un Zoroastrien reçut la bastonnade parce que son vêtement était venu à toucher par hasard des fruits qui étaient exposés au bazar pour la vente. Ces fruits furent considérés comme impurs à cause de ce contact d'un infidèle et ne purent plus être consommés par un orthodoxe (chi'ite) ».
(...)
L'attitude que nous venons de mentionner de la loi chî'ite à l'égard des fidèles d'autres confessions nous rappelle involontairement les vieilles règles, tombées en désuétude chez la plupart des Zoroastriens modernes, qu'établissent les livres religieux des Parsis ; elle en peut être regardée comme l'écho islamique : « Un Zoroastrien est obligé de se purifier avec le Nirang s'il a touché un non-Zoroastrien ». « Un Zoroastrien ne peut user d'aucune nourriture préparée par un non-Zoroastrien, ni de beurre, ni de miel, et pas même en voyage ».

C'est particulièrement l'adoption de cette dernière disposition de la loi parsie qui a donné lieu à une différence rituelle entre les deux formes d'Islam. Malgré la permission donnée expressément dans le Qorân (5, v. 7), la loi chî’ite tient pour nourriture interdite les mets préparés par des Juifs et des chrétiens ; les animaux abattus par eux ne peuvent être consommés par le musulman. Les Sunnites suivent, ici encore, la pratique moins étroite dont le Qorân lui-même offre la faculté.

Dans un autre chapitre de la loi religieuse, les Chï'ites ne font pas non plus usage de la liberté ménagée par le Qorân, mais se mettent plutôt en contradiction avec leur sainte Écriture pour rester conséquents avec leurs conceptions intolérantes. Le Qorân permet au musulman le mariage avec des femmes honnêtes de foi juive et chrétienne (sûr. 5, v. 7). Au point de vue sunnite, ces mariages mixtes, conformément à la théorie du vieil Islam, peuvent être tenus pour licites. Le khalife 'Otmân épousa la chrétienne Nâ’ila. (pp. 196-198)
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