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4.67/5 (sur 3 notes)

Nationalité : Hongrie
Né(e) à : Székesfehérvár, Hongrie , le 22/06/1850
Mort(e) à : Budapest , le 13/11/1921
Biographie :

Ignác (Isaac Yehouda) Goldziher (Székesfehérvár, Hongrie, 22 juin 1850 — Budapest, 13 novembre 1921) est un spécialiste hongrois de l'islam. Goldziher l'un des pères de l'orientalisme scientifique.

Né d'une famille juive pieuse, Ignác Goldziher suit le cursus studiorum classique des études juivesParallèlement, il suit des études secondaires chez les Cisterciens, puis va étudier à Budapest au Lycée Protestant.

Avant même d'obtenir son baccalauréat, il entre à l'Université pour y commencer des études de persan et de turc sous le magistère de Ármin Vámbéry (1832-1913), avant de se rendre à Berlin pour y étudier l'hébreu, le turc, le persan et l'arabe. Il va ensuite à Leipzig où il passe son doctorat à l'âge de 20 ans, sous la direction de Heinrich Leberecht Fleischer (en) (1801-1888). Il attire l'attention du Ministre de l'Éducation hongrois, le baron József Eötvös, qui le fait nommer privat-dozent à l'université de Budapest en 1872.
Afin de se préparer à une chaire professorale, Goldziher se rend à Vienne et à Leyde pour y étudier les collections de manuscrits arabes. Grâce à une bourse de l'état hongrois, il effectue un voyage en Orient de l'automne 1873 au printemps 1874, qui le conduit en Syrie, en Palestine et au Caire. Il s'étonne de pouvoir parler un arabe qu'il a appris de façon livresque.
En revenant d'Orient, Goldziher apprend que la chaire professorale des langues sémitiques qui lui avait été promise est occupée par quelqu'un d'autre. Fait étonnant, il accepte pour vivre le poste de secrétaire général de la communauté israélite de Pest qu'il occupe à partir de janvier 1876, qu'il occupera pendant 30 ans
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Source : Wikipédia
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Considérée d'après ses documents légaux, la conception juridique interconfessionnelle des Chi'ites paraît beaucoup plus dure et plus rigide que celle des Sunnites. Dans leur loi se révèle une intolérance poussée au plus haut point à l'égard de ceux qui professent d'autres croyances. L'interprétation légale chï'ite n'a fait aucun usage des accommodements introduits par l'orthodoxie sunnite sur nombre de points où les idées anciennes se montraient très étroites. Tandis que l'Islam sunnite avait pour ainsi dire effacé, par l'interprétation finalement adoptée, la rigoureuse disposition du Qorân (9, v. 28) que « les infidèles sont impurs », la légalité chï'ite s'en tient à la lettre de cette prescription, déclare impure, au sens rituel, la substance corporelle de l'infidèle et range son contact au nombre des dix choses qui provoquent l'impureté (nadjâsat) au point de vue rituel. C'est un fait typique et pris sur le vif que l'étonnement du Hadji Baba de Morier (I c. 16), qui note « comme le plus extraordinaire trait de caractère des Anglais qu'ils ne regardent aucun homme comme quelque chose d'impur. Ils touchent aussi bien un Israélite que quelqu'un de leur tribu ». Au point de vue de la loi chï'ite, cette façon de considérer ceux qui ne partagent pas votre foi ne va pas précisément de soi. Nous pouvons en trouver maint exemple dans les ouvrages d'Européens qui ont vécu parmi des Chï'ites. Je me contente de citer quelques remarques tirées de l'ouvrage d'un sûr observateur de l’esprit populaire persan, le Dr J. E. Polak, qui vécut de longues années dans la Perse chï'ite en qualité de médecin attaché à la personne du Chah Nâsiral-dïn. « Un Européen survient-il par hasard au commencement du repas, le Persan tombe dans l'embarras, car les convenances lui interdisent de le renvoyer, et le laisser entrer ne va pas sans difficulté parce que les mets touchés par un infidèle passent pour impurs». « Les restes laissés par les Européens sont dédaignés par les domestiques et abandonnés aux chiens», et, parlant des voyages entrepris en Perse, « Que l'Européen ne néglige pas de se munir d'un vase pour boire ; on ne lui en prêtera un nulle part, parce que, d'après la croyance des Persans, tout vase devient impur dès qu'un infidèle s'en est servi ». Le même auteur raconte que le ministre contemporain des Affaires étrangères, Mirza Sayyid Khân, « se lave les yeux à la vue d'un Européen pour les préserver d'une souillure ». Ce ministre était un très pieux musulman, qui ne put se résoudre qu'à contrecœur, et pour raisons de santé, à user du vin comme remède. Mais finalement il trouva tant d'agrément à ce remède que « malgré sa piété l'on ne pouvait jamais le rencontrer à jeun ». Les chî'ites pratiquent la même intolérance à l'égard des Zoroastriens qui vivent parmi eux. Edward G. Browne raconte à ce propos mainte observation qu'il put faire pendant son séjour à Yezd. Un Zoroastrien reçut la bastonnade parce que son vêtement était venu à toucher par hasard des fruits qui étaient exposés au bazar pour la vente. Ces fruits furent considérés comme impurs à cause de ce contact d'un infidèle et ne purent plus être consommés par un orthodoxe (chi'ite) ».
(...)
L'attitude que nous venons de mentionner de la loi chî'ite à l'égard des fidèles d'autres confessions nous rappelle involontairement les vieilles règles, tombées en désuétude chez la plupart des Zoroastriens modernes, qu'établissent les livres religieux des Parsis ; elle en peut être regardée comme l'écho islamique : « Un Zoroastrien est obligé de se purifier avec le Nirang s'il a touché un non-Zoroastrien ». « Un Zoroastrien ne peut user d'aucune nourriture préparée par un non-Zoroastrien, ni de beurre, ni de miel, et pas même en voyage ».

C'est particulièrement l'adoption de cette dernière disposition de la loi parsie qui a donné lieu à une différence rituelle entre les deux formes d'Islam. Malgré la permission donnée expressément dans le Qorân (5, v. 7), la loi chî’ite tient pour nourriture interdite les mets préparés par des Juifs et des chrétiens ; les animaux abattus par eux ne peuvent être consommés par le musulman. Les Sunnites suivent, ici encore, la pratique moins étroite dont le Qorân lui-même offre la faculté.

Dans un autre chapitre de la loi religieuse, les Chï'ites ne font pas non plus usage de la liberté ménagée par le Qorân, mais se mettent plutôt en contradiction avec leur sainte Écriture pour rester conséquents avec leurs conceptions intolérantes. Le Qorân permet au musulman le mariage avec des femmes honnêtes de foi juive et chrétienne (sûr. 5, v. 7). Au point de vue sunnite, ces mariages mixtes, conformément à la théorie du vieil Islam, peuvent être tenus pour licites. Le khalife 'Otmân épousa la chrétienne Nâ’ila. (pp. 196-198)
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Tout ce que nous avons constaté ici de la nature du mouvement mu'tazilite donne à ces philosophes religieux le droit de prétendre au titre de rationalistes. Ce titre, nous ne le leur contesterons pas. Ils ont le mérite d'avoir, les premiers dans l'Islam, élevé la raison au rang de source de la connaissance religieuse,et même d'avoir reconnu ouvertement la valeur du doute comme premier moteur de la connaissance.

Mais pouvons-nous pour cela les nommer aussi des libéraux ? Ce titre-ci, il nous le leur faut refuser. Ils sont, avec leurs formules opposées à la conception orthodoxe, les premiers fondateurs du dogmatisme dans l'Islam. Celui qui veut être sauvé doit n'avoir foi qu'en ces formules inflexibles et non dans d'autres. Sans doute, par ces définitions, ils avaient en vue de mettre d'accord la religion et la raison; mais c'étaient des formules rigides et étroites qu'ils opposaient au traditionnalisme non défini des vieux croyants et qu'ils défendaient dans leurs discussions sans fin. Ils étaient aussi intolérants à l'extrême. La tendance à l'intolérance est inhérente au dogmatisme de par sa nature. Lorsque les Mu'tazilites eurent la chance de voir leur doctrine reconnue comme religion d’État sous le règne de trois khalifes 'abbâsides, elle fut imposée au moyen de l'inquisition, de l'emprisonnement et du terrorisme jusqu'au moment où, peu après, la réaction, redressant la tête, laissa de nouveau respirer librement ceux qui croyaient posséder dans la religion un ensemble de pieuses traditions, mais non le fruit de théories rationalistes douteuses.

Quelques propos des Mu'tazilites peuvent nous édifier sur l'esprit d'intolérance dont étaient pénétrés leurs théologiens. « Quiconque n'est pas Mu'tazilite ne doit pas être appelé croyant », ainsi s'exprime très nettement l'un de leurs maîtres. Et ceci n'est qu'une conséquence de leur doctrine générale, d'après laquelle celui qui ne cherche pas Dieu « sur le chemin de la spéculation » ne peut être nommé croyant. Le commun peuple, aux croyances naïves, ne compte donc pas parmi les musulmans. Sans opération de la raison, il n'y a pas de foi. La question du « takfïr al-'awâmm », c'est-à-dire la stigmatisation du vulgaire comme mécréant est à l'ordre du jour dans la science religieuse des Mu'tazilites. Aussi n'en manque-t-il pas pour dire qu'on ne peut faire la prière derrière un de ces naïfs croyants non ratio- nalistes. Un célèbre représentant de cette école, Mu'ammar b. 'Abbâd, déclare infidèle quiconque ne partage pas sa manière de voir sur les attributs et le libre arbitre. Un autre pieux Mu'tazilite, Abù-Mûsâ al-Murdâr, que nous pourrions citer comme un exemple des débuts piétistes de la même école, a, partant du même point de vue, déclaré que ses propres thèses menaient seules au salut, si bien qu'on put lui répondre que, d'après son opinion exclusive, lui seul, et tout au plus deux ou trois de ses disciples avec lui, pourraient entrer au paradis des croyants.

Ce fut un réel bonheur pour l'Islam que la faveur politique accordée à une telle conception se soit bornée aux règnes de trois khalifes. Où en seraient arrivés les Mu'tazilites, s'ils avaient eu plus longtemps à leur disposition le secours du pouvoir régnant ? La doctrine de Hichâm al-Fùtï, par exemple, un de ceux qui se refusaient le plus radicalement à admettre les attributs divins et la détermination de la destinée, montre comment quelques-uns d'entre eux se représentaient les choses. « Il estimait licite de tuer traîtreusement les adversaires de sa doctrine et de s'emparer de leurs biens par ruse ou par force ; ce sont des infidèles : donc leur vie et leurs biens sont hors la loi ». Ces théories ne sont, bien entendu, que des théories de cénacles ; mais elles sont poussées assez loin pour arriver à cette idée que les territoires dans lesquels la confession du mu'tazilisme ne domine pas doivent être regardés comme pays de guerre (dâr al-harb). (pp. 95-97)
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En dehors des principes dogmatiques, il ne s'agit donc que de différences rituelles tout à fait négligeables et telles qu'il s'en rencontre en grand nombre dans les Madahib orthodoxes. Il y a en tout, paraît-il, 17 questions de détail pour lesquels la loi chi'ite adopte une solution particulière et n'est pas d'accord avec l'un ou l’autre des madâhib orthodoxes.

La plus profonde différence de doctrine entre la loi sunnite et la loi chi'ite apparaît dans le domaine du droit matrimonial. Elle est, en tout cas, d'un plus grand poids pour notre considération et notre appréciation du chî'isme que ces insignifiantes divergences rituelles qui se manifestent dans l'accomplissement des pratiques religieuses.

C'est notamment une question de droit matrimonial qui mérite à ce point de vue d'attirer notre attention : la validité ou l'invalidité du mariage contracté pour une durée limitée, du mariage temporaire.

Dans la République de Platon, et sous l'influence de considérations qui, à la vérité, diffèrent radicalement de celles que l'on peut faire valoir dans la vie musulmane, le mariage temporaire est aussi admis parmi l'élite de la société que le philosophe désigne sous le nom de « gardiens ». Theodor Gomperz a cité des faits analogues tirés des mouvements sociaux de la Nouvelle-Angleterre : la secte des « Perfectionnistes », fondée par John Humphrey Noyés, qui eut son siège principal à Oneïda pendant la durée d'une vie humaine et dont les conceptions matrimoniales ont été depuis lors reproduites dans la littérature narrative (trial marriage).

Ce fut naturellement en vertu d'autres motifs que Muhammed, au début de sa carrière de législateur, toléra une forme de mariage usitée dans l'Arabie païenne (ce dont témoigne Ammien Marcellin) et dont le nom technique (mut'a) se traduit littéralement par mariage de jouissance mais que nous préférons appeler mariage temporaire. A l'expiration du délai fixé lors de la conclusion (sîgha) d'un tel mariage, sa validité cesse ipso facto conformément à la convention et sans aucune formalité de séparation. La validité de cette forme de mariage fut cependant abrogée au bout de quelques années : les traditions rapportent, les unes que c'est le Prophète lui-même, les autres — ce qui est plus vraisemblable — que c'est seulement 'Omar qui déclara qu'une telle union temporaire était « sœur de la débauche » et l'interdit aux croyants. Mais, même après cette prohibition, il y en eut encore dans une mesure restreinte (par exemple à l'occasion des pèlerinages). Comme l'autorisation du mariage mut'a se base sur un hadït qui remonte à Ibn 'Abbâs, on l'a appelé par dérision « un mariage à la façon de la fetwa d'Ibn 'Abbâs ».

Les Sunnites à mesure que se consolidaient les institutions musulmanes, se sont ralliés à l’interdiction du mariage temporaire, tandis que les chï'ites, s'appuyant sur le Qorân (surate 4, verset 28), considèrent encore aujourd'hui comme valable un mariage de ce genre. Son abolition par le Prophète n'est pas, d'après eux, attestée d'une façon digne de foi. La validité de la mut'a a, disent-ils, été abrogée à tort par 'Omar, un homme qu'ils ne reconnaissent point comme autorité légale, les traditions qui rapportent sa décision méritassent-elles créance.

C'est là la question de droit sur laquelle nous devons considérer que le désaccord est le plus profond entre l'Islam sunnite et l’Islâm chî'ite. (pp. 191-192)
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Si l'on ne veut pas être injuste, il faut convenir qu'il y a, même dans les doctrines de l'Islam, une force efficiente orientée vers le bien, et qu'une vie conforme à ces doctrines peut être une vie moralement irréprochable ; elle exige en effet la miséricorde envers toutes les créatures de Dieu, la bonne foi dans les relations, l'amour et la fidélité, le refoulement des instincts égoïstes, et toutes ces vertus que l'Islâm puisa dans les religions dont il reconnaît lui-même les prophètes comme ses maîtres. Un bon musulman mènera une vie qui satisfait à de sévères exigences morales.

Certes, l'Islam est aussi une loi ; il plie aussi ses croyants à des actes cérémoniels. Néanmoins, non seulement les doctrines traditionnelles sur lesquelles s'est appuyé son développement, mais déjà leur source première la plus reculée, le Qorân, regarde expressément l'intention dans laquelle les œuvres sont accomplies comme le critérium de leur valeur religieuse, et l'observance stricte de la loi, si elle n'est accompagnée d'actes de miséricorde et de charité, y est considérée comme de peu de prix.

« La piété ne consiste point à tourner vos visages vers l'Orient ou l’Occident, mais la piété est (en celui) qui croit à Allah, au jour dernier, aux anges, au Livre et aux prophètes, qui donne son bien pour l'amour de Lui ('alâ hubbihi) à ses parents (pauvres), aux orphelins et aux nécessiteux, au voyageur, aux solliciteurs et pour les prisonniers, qui fait la prière et l'aumône ; (en ceux) qui remplissent fidèlement leurs engagements quand ils en ont pris, qui sont persévérants dans la détresse et l'adversité et au temps de l'angoisse : ce sont eux qui sont sincères et ce sont eux qui craignent Dieu » (2 v. 172). Et à propos des rites du pèlerinage, qu'il organise (ou plutôt qu'il conserve d'entre les traditions du paganisme arabe) en se fondant sur la parole divine : « Nous avons imposé à chaque peuple des sacrifices, afin que le nom d'Allah leur soit rappelé parce qu'il leur a accordé », Muhammed attache la plus grande importance à l'intention pieuse qui accompagne le culte. « Allah n'est point touché par leur viande et par leur sang, mais il est touché par votre respect « (22 v. 35.38). Le plus grand prix est attaché à l’ikhlâs (pureté sans tache) du cœur (40 v. 14), au taqwâ al-qulûb, « la piété des cœurs» (22 V. 23), au qalb salîm, « un cœur parfait » (26 v. 89), ce qui répond au lêbh shâlém du Psalmiste : c'est de ce point de vue qu'est considéré le mérite religieux des croyants. Ces convictions se sont, comme nous le verrons bientôt, développées doctrinalement par la suite grâce aux enseignements tirés de la tradition, et ont été étendues à tout le domaine de la vie religieuse par la théorie de la niyya, de l'intention, de l'esprit qui inspire les œuvres, pris comme critère de la valeur de l'acte religieux. L'ombre d'un mobile égoïste ou hypocrite dépouille tout « bonum opus » de sa valeur. Aucun juge impartial ne saurait donc approuver la phrase du Rev. Tisdall : « It will be evident that purity of heart is neither considered necessary nor desirable ; in fact it would be hardly too much to say that it is impossible for a Muslim [Il est évident que la pureté du cœur n’est considérée ni comme nécessaire ni comme désirable ; en fait, il ne serait pas exagéré de dire qu’elle est impossible pour un musulman]. » (pp. 15-17)
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Les renseignements que nous possédons sur les premières décades de l'Islam fournissent maints exemples de la tolérance religieuse des premiers khalifes à l'égard des adeptes des anciennes religions. Très édifiantes sont surtout les instructions données aux chefs des troupes qui partent en campagne. Comme modèles, on avait le traité passé par le Prophète avec les chrétiens de Nedjrân, qui garantit le respect des institutions chrétiennes et aussi la ligne de conduite tracée par lui à Mu 'âd b. Djebel se rendant dans le Yémen : aucun Juif ne doit être troublé dans son judaïsme. A la même hauteur se tiennent les traités de paix accordés aux chrétiens soumis de l'empire byzantin, qui s'émiette de plus en plus au profit de l'Islam. Moyennant l’acquittement d'un impôt de tolérance (djizya), ils peuvent pratiquer en paix leur religion ; — à cela près que la publicité des cérémonies religieuses est quelque peu limitée. Au contraire, il est à remarquer qu'il résulte de la critique historique des sources qu'un certain nombre de restrictions imputées à ces temps anciens n'ont été mises en vigueur qu'à des époques postérieures, plus favorables au fanatisme. Ceci est vrai notamment de la défense de bâtir de nouvelles églises ou de réparer les anciennes. Il paraît bien que 'Omar II, esprit étroit et borné, ait été le premier à appliquer sérieusement une telle mesure, qu'accueillirent aussi favorablement dans la suite des souverains de la mentalité du 'Abbâside Mutawakkil. Mais si ces sombres souverains eurent l'occasion de s'attaquer à des temples d'autres religions bâtis depuis la conquête, cela même est une preuve que l'érection de tels sanctuaires n'avait rencontré auparavant aucun obstacle.

De même que l'on se laissait guider au point de vue de la pratique de la religion par l'esprit de tolérance, on devait aussi, en ce qui regardait le traitement civil et économique des infidèles, ériger en principe la modération et la douceur ; l'oppression des non-musulmans placés sous la protection islamique (ahl al-dimma) était jugée par les croyants une transgression coupable. Lorsque le gouverneur de la province du Liban sévit très durement contre la population, qui s'était révoltée à cause de l'oppression exercée par le percepteur des impôts, l'avertissement suivant, rapporté comme doctrine du Prophète, put lui être adressé : « Quiconque opprime un protégé et lui impose de trop lourdes charges, je me dresserai moi-même comme son accusateur au jour du jugement ». Récemment encore, on montrait près de Bostra l'emplacement de la « maison du Juif » dont Porter, dans son livre Five years in Damascus, raconte la légende : à sa place s'élevait une mosquée, que 'Omar fit abattre parce que son gouverneur s'était approprié par violence la maison d'un Juif pour la bâtir à sa place. (pp. 29-30)
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Par suite de la prépondérance des tendances que nous avons dépeintes, l'esprit de casuistique et de minutie verbale arrive à dominer, particulièrement dans le 'Iraq. Ceux qui se proposent d'expliquer la parole de Dieu, et de régler la vie d'après elle, se perdent dans d'absurdes subtilités et dans des raffinements oiseux, dans l'invention d'hypothèses qui ne se réalisent jamais, dans l'étude approfondie de questions dérisoires où l'art de couper les cheveux en quatre s'allie à la fantaisie la plus audacieuse et la plus effrénée. On dispute sur des espèces bâties pour la casuistique, que l'on va chercher très loin et qui ne répondent jamais aux réalités actuelles, par exemple sur le droit héréditaire que peut avoir un ascendant du cinquième degré sur la succession d'un descendant au cinquième degré décédé sans enfant. Et ceci est encore un cas relativement traitable. Le droit successoral, avec ses hypothèses variées, est de très bonne heure le théâtre favori et tout désigné de cette acrobatie intellectuelle des casuistes.

La superstition populaire fournit également aux juristes matière à de tels exercices. Comme la métamorphose des hommes en animaux est pour la croyance populaire dans le domaine du possible, on traite gravement des rapports de droit intéressant des hommes ainsi ensorcelés, de leur responsabilité juridique. Comme d'autre part les démons prennent souvent figure humaine, on examine les conséquences juridiques et religieuses de cette transformation. On discute par exemple très sérieusement le pour et le contre lorsqu'il s'agit de savoir si de tels êtres comptent dans le nombre obligatoire des fidèles qui participent à la prière du vendredi. La loi divine doit aussi fournir des éclaircissements sur des points comme ceux-ci : à la suite du mariage, précisément tenu pour possible par les croyances populaires, d'hommes véritables avec des démons ayant pris figure humaine, comment traiter la descendance humaine née de telles unions ; quelles suites entraînent de tels mariages relativement aux droits de famille ? La question de la munâkahat al-djinn (mariage avec le djinn) est réellement traitée dans ces milieux avec la même gravité que n'importe quel point important de la loi canonique.

Les partisans de ces mariages mixtes, parmi lesquels se trouve même Hasan al-Basri, citent des exemples d'unions de ce genre contractées par des gens fidèles à la Sunna. Damïrï, auteur d'un très important dictionnaire zoologique, qui a inséré des faits de cet ordre à son article « djinn », parle de ses relations personnelles avec un cheïkh qui avait vécu maritalement avec quatre démons femelles. (pp. 57-58)
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Les dispositions intolérantes des vrais chî'ites s'étendent non seulement aux infidèles, mais encore aux musulmans qui ne professent pas leurs opinions. Leur littérature en témoigne surabondamment. Le caractère de la shï'a est celui d'une communauté qui a eu à lutter depuis ses débuts, au milieu des difficultés d'une ecclesia oppressa, contre la persécution ; qui, le plus souvent, n'a pu donner libre cours à ses idées que loin de la libre voie d'une confession ouverte et par une entente secrète entre ses membres ; il s'en est suivi un ressentiment contre ses ennemis qui détenaient le pouvoir. Elle considère la taqiyya qui lui est imposée comme un martyre qui ne fait que fournir sans cesse un aliment nouveau à sa haine contre ceux qui sont cause de cet état. Nous avons déjà vu que les théologiens chi'ites en étaient arrivés à élever au rang de devoir religieux la malédiction des ennemis (ci-dessus, p. 170). Nombre d'entre eux poussent si loin l'animosité contre ceux qui ont d'autres croyances, qu'ils accompagnent le verset du Qorân qui ordonne de faire l’aumône d'une restriction tendant à exclure de tout bienfait les infidèles et les adversaires de la cause 'alide. Le Prophète aurait dit : « Celui qui fait l'aumône à nos ennemis est comme quelqu'un qui dépouille les sanctuaires de Dieu ». Les Sunnites peuvent invoquer en faveur d'une conception plus humaine l'exemple du khalife 'Omar qui, à son entrée en Syrie, donna l'ordre de secourir, à l'aide des impôts (sadaqât) levés dans l'intérêt général de la communauté musulmane, même les chrétiens malades et indigents. Les traditions des chî'ites sont animées d'une hostilité presque plus grande contre les Mahométans dont les croyances sont différentes que contre les non-musulmans. L'une d'elles place les Syriens (c'est-à-dire les adversaires sunnites) plus bas que les chrétiens, les Médinois (qui subirent paisiblement le khalifat d'Abù Bekr et de 'Omar) plus bas que les païens de la Mecque. Ce n'est pas là un terrain pour la tolérance, la patience et l'indulgence envers ceux qui pensent différemment. La bagatelle suivante peut montrer à quel degré insensé se monte leur mépris pour leurs adversaires. Une de leurs plus grandes autorités enseigne que, dans les cas douteux où les sources de la loi religieuse ne fournissent pas de point d'appui pour une décision sûre, le principe à suivre est de faire le contraire de ce que les Sunnites tiennent pour bon. « Ce qui contredit la 'âmma (la conception sunnite), c'est en cela qu'est la bonne voie ». C'est là une théologie de haine et d'intolérance. (pp. 199-200)
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Djelâl al-din Rùmï fait dire par Dieu à Moïse dans une révélation :

« Les amateurs de rite sont une classe, et ceux dont les cœurs et les âmes sont embrasés d'amour en forment une autre ».

Et Muhyi al-dïn ibn 'Arabi :

« Il fut un temps où je blâmais mon prochain si sa religion n'était pas proche de la mienne ;
« Mais maintenant mon cœur accueille toute forme : c'est une prairie pour les gazelles, un cloître pour les moines,
« Un temple pour les idoles, et une Ka'ba pour le pèlerin, les tables de la Thora et le livre saint du Qorân.
« L’amour seul est ma religion, et quelque direction que prenne sa monture, là est ma religion et ma foi ».

Et de nouveau Djelâl al-dîn :

« Si l'image de notre bien-aimé est dans le temple des idoles, c'est une erreur absolue de tourner autour de la Ka'ba ; si la Ka'ba est privée de son parfum, elle est une synagogue. Et si nous sentons dans la synagogue le parfum de l'union avec lui, elle est notre Ka'ba ».

L'Islam, nous le voyons, n'est pas excepté de cette indifférence confessionnelle. On attribue à Tilimsânï, un disciple d'ibn ‘Arabï, cette parole hardie : « Le Qorân est purement et simplement shîrk (v. ci-dessus, p. 37) ; la reconnaissance de l'unité n'est que dans notre parole (c'est-à-dire la parole sûfie) ».

Dans ces déclarations sur l’indifférence des attributs confessionnels par rapport au but unique auquel la religion doit conduire, s'exprime aussi, à côté de la tendance à la plus haute tolérance (« les chemins qui mènent à Dieu sont en aussi grand nombre que les âmes des hommes »), l'idée que les confessions troublent et retardent la marche vers ce but. Elles ne sont pas des sources de la vérité ; celle-ci ne peut être découverte au moyen des querelles des différentes confessions.

« Ne reproche pas aux soixante-douze sectes leurs querelles ;
« Parce qu'elles ne voient pas la vérité, elles frappent à la porte de la fable » (Hâfiz.

Ce n'est pas l'expression d'une conviction isolée que fait entendre l'ami du philosophe Avicenne, le mystique Abû-Sa'ld Abu-l-Khaïr :

« Tant que mosquées et medrasas ne seront pas complètement dévastées, l’œuvre des Kalender (derviches) ne sera pas accomplie ;
« Tant que foi et infidélité ne seront pas complètement semblables, pas un seul homme ne deviendra un vrai musulman ».

Dans cet ordre d'idées, les Sùfîs se rencontrent avec les libres-penseurs de l'Islam, qui arrivent au même résultat en se fondant sur d'autres considérations. (pp. 142-143)
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Je voudrais profiter de l'occasion qui s'offre ici de taire une remarque de quelque importance pour l’intelligence du problème du libre arbitre dans le Qorân. Une grande partie des propos de Muhammed dont on prétend ordinairement conclure que c'est Dieu lui-même qui détermine l'homme à pécher, qui l’induit en erreur, apparaîtront sous un autre aspect si nous approfondissons le sens du mot que l'on rend d'ordinaire par ce terme d'égarer. Si dans un grand nombre de passages du Qorân il est dit : « Allah guide qui il veut et égare qui il veut », de telles sentences ne veulent pas dire que Dieu met sur le mauvais chemin, d'une façon directe, les gens de la seconde catégorie. Le mot décisif, adalla, dans un tel ensemble, n'est pas à comprendre par faire errer, mais par laisser errer, ne pas se soucier de quelqu'un, ne pas lui indiquer le moyen de se tirer d'affaire. « Nous les laissons (nadaruhum) errer dans leur opiniâtreté » (6 v. 110). On peut se représenter un voyageur solitaire dans le désert — c'est de cette idée qu'est née la façon dont s'exprime le Qorân sur la direction et l'égarement. Le voyageur erre dans un espace sans bornes, guettant la bonne direction pour parvenir à son but. Il en est ainsi de l'homme dans le voyage de la vie. Mais celui qui s'est rendu digne de la bienveillance de Dieu par la foi et les bonnes œuvres, Dieu le récompense en le guidant ; il laisse errer celui qui fait le mal, lui retire sa grâce; il ne lui tend pas la main qui conduit, mais il ne l'a pas mis à proprement parler sur la mauvaise route. Aussi l'image de l’aveuglement et du tâtonnement est-elle aussi employée volontiers en parlant des pécheurs. Ils ne voient point, et il leur faut errer sans but et sans dessein. Comme aucun guide ne les aide, ils se précipitent irrémédiablement à leur perte. « Il est venu des illuminations de votre Dieu ; quiconque voit, voit à son profit ; quiconque est aveugle l'est à ses dépens » (6 v. 104). Pourquoi ne s'est-il pas servi de la lumière qui lui était offerte? « Nous t'avons révélé le Livre pour les hommes ; celui qui se laisse guider (par lui) le fait pour lui-même, mais celui qui s'égare (dalla) le fait à ses dépens » (39 V. 42). (pp. 72-73)
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La connexité entre la dogmatique chî'ite dominante et les doctrines des Mu'tazilites apparaît comme démontrée si l'on considère la première. Elle est indubitablement empreinte dans cette affirmation des autorités chî'ites, que l'Imâm latent appartient à l'école du ‘adl et du tawhîd (par (conséquent à la doctrine mu'tazilite), C'est particulièrement une branche du chî'isme, la branche zeïdite, qui, davantage et de façon plus conséquente que la branche imâmite, s'apparente au Mu'tazilisme dans les détails.

Le Mu'tazilisme s'est maintenu dans la littérature chî'ite jusqu'à nos jours. C'est donc, aussi bien au point de vue de l'histoire de la religion que de l'histoire littéraire, une grave erreur de prétendre qu'après la victoire décisive de la théologie ach'arite il n'y a plus eu de Mu'tazilisme actif. Une riche littérature de dogmatique chî'ite, cultivée jusque dans les temps modernes, est là pour démentir cette assertion. Les ouvrages dogmatiques des Chï'ites se font reconnaître comme livres de doctrine mu'tazilite en ce qu'ils se divisent en deux parties principales, dont l'une renferme les chapitres sur l'unité de Dieu et l'autre les chapitres sur la justice. Naturellement les exposés sur la théorie de l'Imâm et l'infaillibilité de l'Imâm n'y peuvent manquer. Mais, sur ce point, il n'est pas à négliger que, touchant cette dernière question, l'un des Mu'tazilites les plus radicaux, al-Nazzâm, est d'accord avec eux. Il est aussi tout particulièrement caractéristique pour l'orientation de la théologie chî'ite, qu'elle a fondé les preuves à l'appui de la théorie de l'imamat sur des bases absolument mu'tazilites. La nécessité de l'existence d'un Imâm en tout temps, le caractère d'infaillibilité de ce personnage, sont mis en connexion avec l'hypothèse, proprement mu'tazilite, de la direction nécessaire en vertu de la sagesse et de la justice divines (lutf wâdjib, v. p. 84). Dieu doit susciter à l'humanité, à chaque époque, un guide qui ne soit pas exposé à l'erreur. Ainsi la théologie chî'ite appuie ses fondements principaux sur les théories de la dogmatique mu'tazilite. (pp. 188-189)
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