Il avait grandi dans un milieu où l’alcoolisme, la violence et les sévices sexuels étaient monnaie courante. Intelligent mais pas très costaud, le petit Fyodor avait toujours été fier d'être venu au monde à Moscou. Comme la plupart de ses amis, il avait trouvé très jeune un emploi à l'usine, mais s'était vite rendu compte qu'il ne voulait pas de cette vie-là. Il avait suivi des cours du soir et obtenus d’excellents résultats. Puis était venu le temps de l'armée - l'armée qui fait les hommes, comme on dit en Russie. Mais l'armée russe brise les hommes plus qu'elle ne les fait ; c'est une longue tradition. Dès l'instant où on y est incorporé on cesse d'exister. Le jeune conscrit est considéré comme un moins que rien ; son sergent peut le tuer sans que personne proteste.