Extrait 4
Ne dis rien, raconte,
Je ne connaissais pas des espaces aussi grands. Un chat avait perdu ses griffes. Un homme trouvait de l’eau. On mangeait du fromage à n’importe quelle heure, en petits dés de lait. Ma langue s’en souvient. Des oies sauvages enseignaient l’alphabet au troupeau des nuages. Une souris faisait danser la boîte à céréales. Des écureuils filaient sur des pistes d’envol. Le sucre tombait des arbres. J’ai même caressé un loup. Personne ne voudra me croire. Et la musique. La musique partout. Pour les plantes, pour les bêtes, pour nous. La veille du départ, la fanfare jouait, les gens me tutoyaient et semblaient me connaître. Ils m’entraient dans leurs mains, leurs sourires, leurs lieux, leurs gestes, dans leurs mots, ou est-ce le contraire. Ils riaient du décalage horaire. Et aujourd’hui demain, hier pour l’origine. J’en perds la précision.