AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Apoapo


11. « La pratique qui fait entrer l'enfant dans la modalité conditionnelle révèle en effet que devenir garçon ou fille, c'est justement apprendre à la fois que l'on n'est que d'un sexe, que nul n'est enfermé dans son identité de sexe, que le monde humain commun est celui de la distinction sexuée des statuts relationnels – justement parce que la différence sexuelle des corps ne produit par elle-même aucune sorte de socialité humaine –, et que les formes que prend cette distinction de sexe ne sont pas immuables mais varient avec les sociétés qui modifient en permanence leurs institutions. C'est ce qu'indique la troisième personne grammaticale qui appartient à la médiation du discours. Parce qu'elle n'est pas un troisième personnage de l'interlocution, son sens n'est pas univoque. Ses 'différents usages' permettent d'identifier celui ou celle dont on parle selon des logiques différentes donnant au pronom 'il' ou 'elle' plusieurs significations. Il peut en effet désigner quelqu'un :
- comme partenaire d'une vie sociale identifié par l'un de ses statuts relatifs et relationnels, en particulier de parenté, modalisé par la distinction masculin/féminin ;
- comme personne supposée capable de s'approprier ses propres actes et discours et de les revendiquer comme de sa responsabilité. Cet interlocuteur possible transcende totalement les sexes, mais parmi ses capacités il y a celle d'agir "en tant que" et donc de participer d'un monde humain modalisé par la distinction de sexe ;
- comme exemplaire d'une espèce naturelle, doté(e) d'attributs ou de propriétés qui permettent de le ou la classer dans tel ou tel ensemble d'individus, par exemple l'ensemble des mâles ou celui des femelles, posant la question de ce que propose la société aux enfants nés de sexe incertain.
Cette liste n'a pas la prétention d'être exhaustive. […] En rabattant ces différentes façons de désigner un même individu, qui sont très exactement la traduction de notre condition d'humains parlants, sur le plan unique de l'identité de garçon ou de fille conquise par 'incorporation d'une image', ou 'identification' à un modèle paternel ou maternel, la théorie du trio oedipien a pour longtemps rendu très difficile une pensée de la dimension normative, donc signifiante, de la distinction de sexe. La méconnaissance obstinée de la forme dramaturgique de la vie sociale, en particulier de celle de l'interlocution où se distinguent le personnel et le statutaire, et la disqualification du mot "rôle" au sens de "participant à une action commune", est ainsi partagée par les courants parfois les plus opposés dans leurs jugements et leurs valeurs. Le cadre commun de leurs débats témoigne de la prégnance de la matrice judéo-chrétienne dans notre société déchristianisée. » (pp. 567-569)
Commenter  J’apprécie          00









{* *}