- Oejin, c'est quelle origine ?
- Coréen.
- Coréen ? Vous n'avez pas du tout d'accent.
- C'est que tout ce que j'ai de coréen, ce sont mes traits asiatiques et ce prénom que me parents adoptifs ont voulu conserver pour que je n'oublie pas d'où je viens. Et puis, des parents biologiques dont je n'ai aucun souvenir. (p.211)
Le genre de secrets qui devenaient de plus en plus difficiles à révéler au fil du temps. Au fond, c'était une bénédiction, ces aveux précoces. Tout était au clair. Il n'y avait plus de cadavres dans le placard. Ils étaient au grand jour, dans la grande chambre funéraire de l'honnêteté. Quoi qu'il advienne maintenant, ils partaient sur des bases saines. (p.213)
Certaines personnes ne souhaitaient pas être vues dans un endroit qu'elles jugeaient compromettant. Léonie, avec le recul, considérait cela comme regrettable. Personne n'aurait caché qu'il devait aller chez le gynéco ou l'urologue, alors pourquoi pas le psy. Chacun sa spécialité. On se soignait là où on avait mal. Ce n'était pas plus compliqué que cela. (p.152)
" Ici, c'est ma soupape de sécurité. Tant que j'aurai besoin de venir vider mon sac, pour pouvoir fonctionner à peu près normalement, je viendrai, c'est tout." Aujourd'hui, elle était totalement décomplexée. Elle ne voyait pas pourquoi elle aurait dû se priver d'une béquille dont elle avait manifestement besoin pour réussir à marcher à peu près droit. (p.154)
Michèle stoppa au feu rouge et se dit qu'au fond, elle ne savait pas grand-chose de son fils, qu'il avait réussi à se couler dans leur vie, au gré des événements, sans se faire remarquer, comme un être évanescent qui passe entre les gouttes mais dont personne ne prend le temps de remarquer qu'il n'est pas mouillé malgré la pluie. (p.29)
C'était toujours ainsi que cela commençait, on croyait toujours venir pour résoudre les problèmes de quelqu'un d'autre, quand on venait parce que les problèmes des autres nous posaient problème, ou plus simplement, on venait pour résoudre ses propres problèmes, ou pour apprendre à vivre avec ses problèmes. (p.153)
Elle aurait voulu lui dire que non, il n'avait pas tué ce gosse. Le gosse s'était servi du train comme d'autres se servent d'une corde. Les gens qui fabriquaient et vendaient les cordes n'y étaient pour rien. Mouloud était une victime, une victime collatérale du suicide d'un autre. (p.137)
Toute la journée, elle l'espéra, calculant son coup pour s'asseoir à proximité, se remémorant les milliers d'options qu'elle avait répétées dans sa tête, toutes ces conversations banales, parce que lorsque l'on était timide comme elle l'était, il fallait se préparer à être naturel. (p.65)
Une relation ne se bâtissait pas sur des fiches perforées, elle durait parce qu'elle était riche, pleine de ressources et de réconfort, parce qu'elle était puissante, et évidente pour ceux qui y participaient. (p.206)
C'est ainsi que les choses finissaient quand on ne devenait pas enseignant par vocation mais par désoeuvrement, même si le sacerdoce ne protégeait ni de la lassitude ni de la déception. (p.81)