AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Woland


[...] ... - "Tu penses peut-être qu'à force de guerres et de massacres, on peut supprimer un peuple," [dit l'intendant en chef]. "C'est ce que croient bien des gens, le vieux Tavdja et Kursdidji entre autres. Mettons que, dans une grande bataille, [les Albanais] laissent sur le terrain trente mille morts. Ce devrait être une brillante victoire pour notre armée, n'est-ce pas ? Eh ! bien, n'est-il pas triste de se dire qu'avec une telle bataille, qui demande tant de préparatifs et d'efforts, on ne réussit à prélever à ce peuple que l'augmentation de population d'une seule année ?

- C'est curieux," dit le chroniqueur.

- "Aussi, sans faire le rêve chimérique d'anéantir ce peuple, nous devons nous estimer satisfaits de l'empêcher de croître. Par des expéditions punitives, des massacres, des guerres réitérées, en leur enlevant leurs jeunes garçons pour en faire des janissaires, nous réduirons en une certaine mesure sa capacité de croissance. Et pourtant, cela ne suffit point. Les peuples sont comme l'herbe. Ils poussent partout. Il faut donc concevoir d'autres moyens, plus insidieux. Moi, je ne m'occupe que des comptes. Le grand padicha [= le Sultan] a des hommes à lui qui étudient, eux, ces problèmes. Et ils ont certainement pensé à tout. Ce sont des experts de la dénationalisation des peuples, de même que Sarudja est un expert de la destruction des forteresses. Ils étudient jour et nuit les meilleures méthodes à appliquer pour maintenir la tranquillité dans notre grand empire."

L'intendant en chef but une lampée de sirop.

- "Il existe notamment," reprit-il, "parmi les tribus des déserts d'Arabie, une coutume par laquelle tous les parents d'une personne tuée intentionnellement dans une querelle ou une embuscade sont obligés de reprendre le sang de la victime en tuant à leur tour un membre de la famille adverse, et cela même après trois générations. Une chaîne de morts lie ainsi les familles entre elles, car les meurtres se succèdent sans discontinuité. Implanter une telle coutume vaut bien plusieurs victoires sur le champ de bataille. Je t'ai dit qu'il y a là-haut des gens qui ont pour principale tâche de s'occuper de ces problèmes. Ils pensent à tout et ils ont certainement aussi songé à cela.

- Je crois que les Albanais ont déjà une coutume analogue," l'interrompit Tchélébi.

- "C'est possible mais même s'ils ne l'ont point ou qu'elle ne soit pas aussi répandue chez eux qu'il serait souhaitable, nous l'apporterons alors d'Arabie si c'est nécessaire, et la sèmeront comme une mauvaise graine parmi eux. Ils sont emportés par nature, et cette semence peut prospérer sur ce terrain. Mais si celle-ci ne germe pas, nous en trouverons une autre, peut-être encore plus nocive. Nous la ferons venir, s'il le faut, du royaume des glaces, pourvu qu'elle nous soit utile." ... [...]
Commenter  J’apprécie          60





Ont apprécié cette citation (4)voir plus




{* *}