Au passage de la voiture de police, la silhouette humaine s'efface pour se coller au mur et se fondre dans l'ombre. Pourtant, la voiture ralentit sensiblement son allure. Etna se hâte alors de glisser vers une entrée d'immeuble, et fouille dans ses poches, pour simuler la recherche de clés.
- Purée, Benoît ! Dépêche-toi ! Qu'est-ce que tu fais ! maugrée-t-il entre ses dents.
Le jeune homme lève les yeux et regarde avec impatience la façade de l'immeuble. Une faible lueur filtre à travers les rideaux tirés d'une fenêtre située au troisième étage. Brièvement, il lui semble voir les rideaux bouger.
Au même moment, il entend, derrière lui, un bruit de portières de voiture. Etna contient tout d'abord une irrépressible envie de se retourner, puis c'est une furieuse envie de fuir qu'il doit maîtriser lorsqu'il entend des pas se diriger vers lui.
- Monsieur ?
La voix polie mais autoritaire est indubitablement celle d'un flic.
Lentement, après avoir pris le temps de se recomposer un visage serein et innocent, Etna se retourne.
L'agent est seul, son collègue est resté dans la voiture, dont le moteur continue à tourner.
En dessous de la ligne formée par le képi, les petits yeux du flic fixent Etna d'une manière soupçonneuse. Ils s'attardent sur la sacoche portée en bandoulière par le jeune homme. Malgré lui, Etna sent une rougeur lui gagner les joues, allumant au passage une myriade de boutons d'acné sur sa peau.
- Vous habitez ici, monsieur 1 demande l'agent. Sa voix ne prend plus la peine d'être polie pour poser la question, seulement autoritaire.
- Oui... Euh non... J'attends, en fait, un ami.
- Il habite ici ?
- Oui... Oui...
- Vous avez vos papiers, monsieur ?
La question a été sèchement posée par l'agent. En d'autres circonstances, Etna se serait rebiffé, s'indignant d'une telle demande non justifiée, reprochant les soupçons qui pèsent constamment sur les jeunes. Mais justement ce soir, les soupçons sont justifiés...
- Écoutez monsieur l'agent, je ne fais rien de mal, j'attends juste que l'on vienne m'ouvrir, déclare Etna, en prenant la plus innocente des apparences.
- Peut-être, mais moi, je souhaite quand même voir vos papiers !
- Je n'ai que ma carte d'étudiant.
- Montrez-la moi !
p. 29 :
« Tout autour de moi, sur des étagères, des bibliothèques, des dessertes, je vois des ouvrages de tout format, de tout âge. Le temps à amassé sur leur tranche d'infimes couches de poussière et on pourrait les croire morts. Mais à l'instant où mon regard et mon attention les effleurent, chacun de ces livres s'anime et réveille dans mon esprit un souvenir littéraire. L’un me souffle une tirade, un autre me dévoile un personnage, le suivant déploie toute une scène ou un paysage. Ainsi, les livres n'existent pas seulement sur les rayonnages, mais ils ont pris place dans ma chair, devenant partie intégrante de mon être. »
Il y a un risque, mais on est parfois plus invisible en pleine lumière qu'en cherchant à rester dans l'ombre