Avec le voile, mon combat, en tant qu'avocate et militante, gagne en visibilité. Il est le symbole de la résistance face à l'idéologie judéo-chrétienne dominante. Comme tu as dit tout à l'heure, je le porte en étendard, contre les discriminations en France, et contre les injustices internationales. Je leur signifie, à ces sociétés blanches imbues de leur supériorité : je ne suis pas dupe de vos manigances, et je vous emmerde.
On peut vous pardonner de déchirer le petit voile, pas le grand.
Le petit voile est racommodable. Perdre sa virginité à condition de réparer les dégâts. Surtout ne pas le faire savoir. C'est un accident qui ne doit pas empêcher le monde de tourner dans le bon sens.
Déchirer le grand voile est autrement plus grave. Cela ne tient pas à la nature de la faute. On craint surtout la remise en question.
Le grand voile est immense et universel. Il recouvre la société, l'imprègne, la préserve. Sous son aile, les gens vivent dans l'harmonie. Les choses paraissent immuables, et l'immobilité est gage de stabilité. Les règles et les formes sont respectées. Il bannit toute contestation véritable, amortit les heurts, gomme les écarts. Sa force repose sur le consensus. On nous a mis un flic dans la tête.
Déchirer le grand voile, c'est mettre les choses à nu, dire les mots, les choses, crier la vérité, briser la loi du silence, refuser les apparences. C'est un bouleversement total, une révolution.