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Citation de Laumness


Vie
Je revois le visage souriant et j’entends encore les paroles de cette femme de petite taille, âgée de plus de quatre-vingts ans et demeurant très alerte. Elle avait connu bien des malheurs dans son enfance, avait perdu tôt sa mère puis son père, elle avait traversé la guerre, avait souffert du froid et de la faim et ne s’était jamais mariée. À plusieurs reprises, la tentation d’en finir s’était présentée à son esprit. Puis le temps avait passé et la vie avait persisté, apportant menues joies, chagrins, épreuves et découvertes. Parvenue à cet âge, la femme déclare d’une voie fraîche : « J’ai rudement bien fait de ne pas me suicider ! » Puis elle ajoute : « Oui, aujourd'hui, je peux dire que je suis contente de vivre… »
Être en vie, respirer tout simplement, voilà un miracle de chaque instant auquel nous nous accoutumons et que nous finissons par dédaigner. C’est un sentiment très profond, non pas primaire, d’accorder de la valeur à la vie, de l’approuver, de lui faire confiance. On rapporte que Claire d’Assise prononça ces mots avant de rendre son dernier soupir : « Je te remercie, Seigneur, de m’avoir créée. » Elle ne dit pas : de me libérer de l’existence, de cette vallée de larmes. Les plus grands mystiques s’enivrent de la beauté de la vie au point de tomber à genoux et l’amour qu’ils prodiguent à ceux qu’ils rencontrent est inséparable de leur goût de vivre.
Que disent sages, héros et saints ? Qu’il est doux, qu’il est irremplaçable d’être en vie et de marcher tout simplement sur terre. Le Qohélet rompt sa mélancolique méditation pour affirmer qu’un « chien vaut mieux qu’un lion mort ». À Ulysse qui rencontre l’ombre d’Achille aux Enfers, le fier guerrier se plaint, nostalgique de la lumière du jour : il préférerait être gardien de bœufs sur terre plutôt que de régner sur un peuple de morts… Peut-être convient-il d’entendre de la même façon le précepte de Jésus, « laisse les morts enterrer les morts », qui nous invite à devenir des vivants. Les sages taoïstes eux aussi se servent de multiples apologues pour montrer que la chose la plus importante de la vie est la vie elle-même. Or, ce pur bonheur non encombré de pensée ni d’espoir, les animaux assurément le connaissent.
Dans un livre rare, intitulé Apocalypse et publié de façon posthume en 1931, D.H. Lawrence entonne un cantique poignant alors qu’il va mourir : « Pour l’homme, la grande merveille est d’être en vie. Pour l’homme, comme pour la fleur, la bête et l’oiseau, le triomphe suprême, c’est d’être le plus parfaitement, le plus vivement vivant. Quoi que puissent savoir les morts et les non-nés, ils ne peuvent rien connaître de la beauté, du prodige d’être en vie dans la chair. Que les morts apprêtent l’après, mais qu’ils nous laissent la splendeur de l’instant présent, de la vie dans la chair qui est à nous, à nous seuls et seulement pour une fois. Nous devrions danser de bonheur d’être vivants et dans la chair, d’être une parcelle du cosmos vivant incarné. »
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