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Le Temps de la bonté : le livre de Tobit
Jacqueline Kelen
Éditions du Cerf
« À vrai dire, depuis des années, ce récit que l'on date du troisième siècle avant notre ère, ce livre me fait rêver, me questionne, m'enrichit. On a entendu parler de Tobit, père et fils. Il y a une histoire de poisson. On se souvient plus ou moins. Il y a le petit chien aussi qui fait partie de l'aventure. On se doute que ça finit bien. Peut-être que l'on sait que l'ange Raphaël qui est très présent dans le récit, puisque c'est le guide du jeune homme vers la lumière, vers la renaissance spirituelle... »
Jacqueline Kelen, pour la librairie La Procure
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A vivre seul, au moins quelques années, on apprend à passer du besoin qui ligote au désir et au rêve qui ouvrent grand l'espace en soi et autour de soi. A vivre seul, on apprend à choisir ses relations au lieu de les supporter, de s'en accommoder. Sauvage et sociable tout à la fois, l'individu solitaire ne se croit pas obligé d'aller à des repas de famille, de participer à des fêtes dont les convives l'ennuient. Et de cela il ne se sent nullement culpabilisé parce qu'il est en accord avec ce qu'il fait. Se tenir en solitude,c'est chérir une situation propice à inattendu, à l'incroyable dont les tableaux de Van Eyck et de Brueghel esquissent l'apparition. C'est se vouloir disponible, absolument; et non disponible pour quelque chose, en attente de quelqu'un. Se tenir dans la fraicheur du commencement. C'est donc un état émerveillé.

Les épousailles avec soi, dans le secret d'une solitude fertile, permettent une alliance avec l'autre qui ne portera pas atteinte à l'intégrité de chacun. Mais tant que l'individu cherche à l'extérieur celui qui le complètera, qui répondra à ses manques, il ne pourra que nouer des relation intéressés ou précaires, il fera un mariage bancal. Lorsqu'il s'est mis au monde, lorsqu'il se sait entier, il envisage avec les autres des liens sous le signe de la liberté et de la gratuité. On ne veut posséder l'autre que si soi-même on se sent incomplet. D'une façon féroce, René Daumal a analysé la situation dans La Grande Beuverie, par l'intermédiaire de "la grande voix derrière les fagots". Voici ce qu'elle dit, la voix: "Quand il est seul, le microbe (j'allais dire "l'homme") réclame une âme sœur, comme il pleurniche, pour lui tenir compagnie. Si l'âme sœur arrive, ils ne peuvent plus supporter d'être deux, et chacun commence à se frénétiser pour devenir un avec l'objet de ses tiraillements intestins. N'a pas de bon sens: un, veut être deux; deux, veut être un."
Le geste naturel au sentiment amoureux est de toucher, de prendre, bientôt d'accaparer. Beaucoup s'imaginent que l'amour va mettre fin à leur solitude alors que c'est la solitude qui permet l'éclosion et la durée de l'amour.
Les uns vivent en couple dés qu'ils quittent leurs parents, les autres se précipitent dans les aventures toujours décevantes, d'autres sortent sans arrêt pour rencontrer quelqu'un, en fait pour ne pas se retrouver seuls: tous, à leur manière, croient briser ou conjurer leurs solitudes, mais ce besoin des autres, ce besoin d'être à deux va aggraver plus encore leur sentiment d'isolement. Bien sur, tout l'environnement social, les joyeuses familles et les couples satisfaits sont là pour asséner à l'individu qu'être seul c'est vivre mal, c'est vivre à moitié. Peu rétorquent qu'à vivre toujours ensemble on devient l'ombre de soi-même et que d'un autre point de vue "deux est la moitié d'un".

La vie solitaire d'un penseur, d'un artiste, d'un ermite est un engagement, jamais une solution.L'expérience de solitude s'avère indispensable à tout être qui veut conquérir ou sauvegarder sa liberté; en ces heures privilégiées, l'individu n'est plus cet homme moyen, mécanique ou "neuronal", cible facile des sondages, de la mode et des médias; il s'éprouve être unique, oiseau rare. Il se distingue. De là on qualifiera de pensée aristocratique toute célébration de la solitude alors que celle-ci est bien moins dédaigneuse qu'exigeante, dénotant une vigilance rebelle. Résister à la facilité comme à la résignation, demeurer discret sinon secret, ce sont là de beaux titres de noblesse. Il faut un courage constant, une passion tenue, comme on dit d'une note ou d'un pari, pour oser être soi, pour ne pas renier ses valeurs ni ses rêves.
Le besoin de reconnaissance apparait bien comme le talon d'Achille de tout individu. Il explique que, pour se sentir compris ou acceptés, la plupart des hommes préfèrent renoncer à leur liberté, à leur singularité. Le véritable solitaire ne cherche ni à plaire ni à être réconforté. Sa grande force vient de ce qu'il n'est point troublé par les agissements et les opinions du monde: quand on vit seul, on ne donne pas prise, on ne se situe plus par rapport au général mais par rapport à l'absolu.
Souffrir de la solitude, mauvais signe; je n'ai jamais souffert que de la multitude. (Nietzsche)
c'est la femme qui par besoin de sécurité coupe les ailes de l'homme nomade
Hadewijch est une des premières à dégager le spirituel du religieux, la vie intérieure des croyances imposées, au risque d'évacuer bientôt le rôle du clergé et les prérogatives de l'Eglise. Toute religion s'appuie sur une assemblée humaine, elle est d'ordre collectif et encourage le nombre, tandis que l'aventure spirituelle est d'ordre privé, éminemment singulière et nécessairement solitaire.
Le chemin intérieur est toujours solitaire et ensoleillé.
Il requiert une vigilance de chaque instant.
Pour voir et entendre les signes qu'offrent le ciel et la vie.
Pour accepter ou saisir les invitations, les cadeaux, les mains tendues.
L'amitié n'est ni une compensation ni une consolation aux amours malheureuses. Il ne s'agit pas non plus de choisir entre elle et la passion amoureuse : l'amitié a cette caractéristique de n'être point exclusive et d'élargir lêtre plutôt que de le confiner ou le restreindre. (p.12)
Beaucoup s'imaginent que l'amour va mettre fin à leur solitude alors que c'est la solitude qui permet l'éclosion et la durée de l'amour.
Diverses attitudes masculines montrent un profond rejet du Féminin qui est, au fond, la véritable blessure de l'homme. Plus l'homme abaisse et renie la femme - en ses divers visages de mère, de soeur, d'amante, d'épouse -, et plus il aggrave sa propre blessure, son manque essentiel.