AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


Et c’était la « guerre ». Après les six premiers milliards de morts les lois mondiales provisoires annoncées par radio satellite se contredisaient d’une semaine à l’autre. Fin mai, en quelques jours, la majorité légale était descendue à treize ans, puis remontée à dix-sept, enfin stabilisée à seize. L’autonomie et la résistance physique des gamins étaient d’un coup idéalisées. Car de vieux lions, pourtant durs, étaient morts le 16 mai, durant l’Onde 1. Davantage de lionceaux avaient survécu. Bref c’est de bonne foi et presque avec discernement que les trois dignitaires, dont mon vieux, nous avaient expédiés.
Au casse-pipe. Aux couloirs de la mort glacée.
Gosse on apprend à dire « merci » aux aînés.
Merci… Trente adolescents : morts. Ça valait le coup de survivre à l’Onde 1. 77 % du groupe Espoirs de l’ENSA, parmi eux des filles (dont Zoé), en moyenne de quinze à dix-sept ans, ne « s’épanouirent » jamais dans notre Nouvelle Harmonie Mondiale, mais plutôt, fermèrent leur visage, jeunes macchabées, furent saisis par le gel instantané, ou l’épuisement, ou les cheveux d’ange, ou les avalanches, ou l’ensemble, sans parler du Mal Aigu des Montagnes, classique, sauf qu’ici médusant, REDOUTABLE. De retour en bas mon athlétique Zoé fut tuée par une femelle grizzly kodiak. Or, à ce moment, réduits à une poignée, on faisait plus attention. On claudiquait, apathiques, blêmes, somnambules en file indienne, dans la brise océanique, entre les pins Douglas, les aroles, les églantiers, les petits bouquets d’astrance, les massifs de raisin des ours. Ting-ting. Le vent faisait tinter nos chapelets de mousquifs sans qu’on s’en rende compte. Seule l’ourse semblait éveillée, elle, sous le ciel peint au rouleau gris. Elle était « dans l’instant présent », comme on nous l’enseignait à l’ENSA, au cours d’ECM. Ça oui. En forme, l’ourse… On entrouvrit la la bouche devant cette scène de chasse primitive, hébétés, abrutis, et moi en extase, quant à moi dans un délice intérieur vibrant, permanent, depuis huit jours. J’y viens.
On était partis nus. C’était à mort et à poil cette expé. Quant au matos, en effet, on avait quoi – un grand merci à mon vieux qui était conseiller en matériel sur l’affaire – des doudounes confort – 50 degrés, autant dire des édredons déchirés au-dessus de 8 000, non, dès 7 000, putain, les hyper-rafales les eurent dépecées dès 7 000. On n’emportait ni ailes, ni paras intégrés, ni hypercombis physios, ni ordilunettes, ni même antiques ordiviseurs, ni rien. On traînait encore des CORDES (-: ouais), alourdis, entravés, comme ces demoiselles, à l’époque des premières photographies sur la Mer de Glace, traînaient leurs robes noires souillées, semblables à des corneilles aux ailes brisées. On déployait un « caisson hyperbare », utile pour un enflé, OK, mais quand dix potes avaient le mal et gonflaient en même temps ? Hein ? papa ? Je survécus sans être plus fortiche que les autres. Ça débuta ainsi.
Commenter  J’apprécie          30









{* *}