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Citation de enkidu_


René Descartes est donc l’un de ces premiers théologiens séculiers. En 1633, lorsqu’il apprend la condamnation de Galilée, il préfère différer la parution de l’ouvrage dont la rédaction l’a occupé durant les quatre années précédentes, son propre Traité du monde. Sa décision est sage : trente années plus tard et quinze après sa mort, le livre, enfin imprimé, est immédiatement mis à l’Index, autrement dit jugé et déclaré interdit aux catholiques. Si la perspective astronomique de Descartes est sans nul doute trop héliocentrique au goût du magistère romain, le vrai motif de cette condamnation est probablement plus théologique que scientifique : la physique de Descartes, résolument mathématique et hypothétique, n’a que faire des notions de cause finale et de but, elle expulse de l’univers les esprits en même temps que Dieu. Dès lors, il est impossible d’assimiler le Dieu de Descartes avec le Dieu des chrétiens : le premier ne peut être saisi que par l’âme humaine qui a recours à sa propre essence spirituelle, à sa propre intelligence ; le second invite les croyants à le chercher, à le dénicher, à le contempler dans ses reflets, dans ses vestiges que sont ses créatures, enfin dans sa Révélation historique. Le Dieu de Descartes est un Dieu pour les philosophes et non pour les croyants, un Dieu dont seule compte l’immutabilité à laquelle le savant français a recours pour fonder les lois d’inertie et de conservation du mouvement, et non un Dieu qui pourrait avoir un quelconque intérêt pour ses créatures.

Le Dieu de Descartes paraît trop fainéant pour Henry More qui reproche au philosophe français son athéisme.
(...)
Qu’ils paraissent étranges, ces théologiens séculiers : s’ils ne nient pas l’existence de Dieu et entretiennent à son égard une forme de respect, ils n’hésitent pas à le plier aux mesures des mondes qu’ils entreprennent de bâtir et de représenter. Au point de ne pas hésiter à recourir à ses divins pouvoirs pour combler les lacunes de leurs connaissances, pour franchir les murs contre lesquels butent leurs explications ; ainsi, le Dieu de Newton a-t-il toutes les allures d’un God-of-the gaps, d’un Dieu-bouche-trous qui offre une réponse à ce que le savant anglais ignore encore. Voilà une solution dangereuse, une pratique délicate, dénoncées par ceux qui craignent de voir cette méthode de colmatage apaiser trop facilement la soif de comprendre et rassasier à bas prix la faim de connaître dont aime à s’enorgueillir l’être humain.
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