Ce rapport à l'espace est en fait une constance dans la filmographie de Kate Winslet.
Il faut d'abord remarquer le rôle prépondérant que joue le huis clos dans sa filmographie.
Du paquebot de "Titanic" à l'appartement de "Carnage",en passant par la prison de "Quills", le parloir de "La vie de David Gale", la carcasse d'avion transformée en refuge de fortune et le chalet de "La montagne entre nous", le petit appartement,la cellule et la salle d'audience de "The reader",ou les maisons des "Noces rebelles" et de "The last day of summer",la présence de l'actrice est fréquemment inféodée à un principe d'enfermement qui insiste sur les limites imposées par son environnement.
Dans "Contagion", cette délimitation carcérale de l'espace s'étend à l'ensemble de la planète par l'imposition des quarantaines qui entravent la liberté de mouvement de ses habitants.
Il faut en effet remarquer que cette modification progressive de l'expression du visage et du corps est devenue depuis quelques années une constance du style de Winslet. Sur ce point, le film pivot de sa filmographie est "les noces rebelles" qui la voit inaugurer cette approche.
L'actrice déploie une interprétation qui se déploie en deux temps. Durant la première partie du film, Winslet adopte une attitude ouverte que l'on retrouve à travers l'expression seraine de son visage et le relâchement de son corps signalant le sentiment d'accomplissement de son personnage; dans la seconde,comprenant que son désir d'échapper à la monotonie de son quotidien ne pourra se concrétiser, l'actrice s'emmure dans une posture figée et mutique jusqu'à la résolution tragique du film.
Il est intéressant de remarquer les liens qui s'établissent entre ce mouvement pictural anglais né en 1848 sous l'égide de l'"Association préraphaélite" composée de trois étudiants de l'école de la Royal Academy (William Holdman Hunt,Dante Gabriel Rossetti,John Everett Millais) et l'actrice britannique.
Un lien méthodologique d'abord,grâce à une commune volonté de créer à partir du réel sans jamais rien trahir de sa sève originelle.
Les artistes préraphaélites rejettent les artifices qui furent imposées par l'adoption définitive de conventions qui effacèrent le contact établi entre l'artiste et la Nature.
Ce qui intéresse donc Winslet, ce n'est pas tant la popularité potentielle que pourra lui apporter un rôle que la manière dont celui-ci lui permettra d'enrichir son travail d'actrice.
A coté de ces connexions méthodologiques, le lien entretenu par Winslet et le préraphaélisme est aussi esthétique.
Si le rapport à la Nature et le sens du détail se présentent comme les éléments les plus apparents de leurs compositions, Robert de la Sizeranne remarque que l'ensemble des peintures préraphaélites se rejoignent sur deux points essentiels :"originalité du geste,vivacité de la couleur".
Comme dans "Neverland",l'effacement délibéré qui affecte l'expression de Winslet minimise moins son importance qu'il ne valorise la singularité de son jeu grâce au vis à vis que lui offre la représentation de son partenaire. Le rapport de force s'établit ici sur l'idée d'un contraste qui permet d'insister sur les spécificités stylistiques propres aux 2 acteurs.
C'est du côté de ses rôles, justement, que son originalité s'affirme en premier lieu. Leur identité et leurs caractéristiques propres se rattachent à la façon dont l'actrice les appréhende, les incarne et les transforme. Car chez Winslet, l'interprétation prend d'abord la forme d'une personnification.
Ce constat n'est pas exclusif aux films de Winslet adapté des pièces de théâtre mais s'étend à l'ensemble de sa filmographie.
Fréquemment en effet, l'actrice privilégie le développement sur l'instantaneité dans l'expression de ses émotions à l'écran.
Winslet sait que l'impact de sa présence dépasse la pertinence du seul mimétisme physique.
Il ne s'agit pas tant d'oublier l'acteur derrière le personnage que d'accepter l'élaboration du personnage tout en ayant reconnu l'acteur.