Citations de Jacques Lovichi (48)
Promontoire
II
Or le nageur aux mains aveugles
comme au creux d’un grand coquillage
attend encore entre deux eaux
la première pointe de l’aube
puis s’abandonne
se déserte
tombe sans fin au gouffre blême
et franchit le gouffre du sommeil
à Nouchka la licorne
pour Michel Cosem
et
pour Henry de Lumley
8.
Arpenteurs chevelus
qui mesuriez la terre
pâtres du Haut pays
vous
femmes
qui piliez la graine
dans la coupe
et vous chasseurs
armés de haches de granit
vous vous êtes dressés
face au mont de colère
et lui avez fait front
de tout votre vouloir
Signoria
V
L’ultime lueur
là-bas
de l’autre côté du fleuve
en quelque crypte désertée
charbonne
grésille
et
meurt
larme cireuse et nue des agonies de l’aube.
à Jeannine R.
novembre 1985
Signoria
X
Ô chant gordien
délices pures
de l’implacable adolescent
Là-bas
sur l’autre bord du fleuve
tapi le gardien
aux trois
têtes :
il faut
trancher
novembre 1985
Signoria
IX
Harpes désaccordées
comme
un enfant qui pleure
(et c’est encore un autre jour)
un peu de patience
un peu
de
patience
un
peu
de
novembre 1985
Signoria
VI
Lion
régnant
sur l’étendue rugueuse
des linges essorés
Ferrugineux
suinte
au bord de la paupière
le juste contrepoids du désir engravé :
C’est
talion.
pour Alain Borer
novembre 1985
Signoria
II
Un peu de patience
encore
un peu de
cendre sur la vitre
engluée de l’aube immédiate
Un peu de sang
au centre
de la plaque
une longue fêlure noire
comme un grincement dans les moelles
Voici venir
l’irrémédiable.
pour Michel Dugué
novembre 1985
Signoria
à Christiane Baroche
qui sait,
quelques plaisirs amers...
I
Pluies.
Sous son arche déshabitée
le fleuve roule un limon jaune
et dans les glaces opportunes
un passé possible
grimace.
novembre 1985
pour Michel Cosem
et
pour Henry de Lumley
10.
Et le dernier
vivant
sur la dernière roche
tend
ses moignons sanglants
vers le firmament noir
trop lourd
d’avoir lutté
contre les forces sombres
Le combat avec l'ange
à Jean Joubert
11. Voici déjà les coqs de l'aube
voici que blanchit l'horizon
il est toujours
debout
dans la splendeur des feuilles
debout
debout
debout
dans la rémission
du
matin.
Mourir dans l’île
Au Sud du Sud
à Michel et Nathalie
4
Les noires vestales debout
derrière la chaise de l’homme
ou laissant tomber les trois gouttes
de la veilleuse dans l’assiette
pour conjurer le mauvais œil
et le velours des épopées
poire à poudre pierre à fusil
là-bas sur l’étendue des cendres
le poing crispé au manche du stylet
remous des siècles dans l’eau noire
qu’en sauront-ils
ceux qui viendront ?
…
mai 85
Me voici donc à nouveau en ces lieux que je pensais bien ne point revoir de ma vie. Cela fait vingt ans et quelques mois, une affaire de même sorte nous amenait, d'Estout et moi, à venir enquêter et juger en cette malheureuse province d'Ardèche. Ardesco ! Je me mets à brûler ! j Je m'enflamme !
Promontoire
I
Nageur de nuit aux cils clos sur un songe
nageur obscur aux cheveux d’algues molles
à l’haleine d’iode et de sel
voici l’instant rêvé par la mémoire
voici le flot que suspend l’équinoxe
Nageur de nuit aux muscles de silex
voici le bruit de ton sang dans les tempes
l’enroulement concerté de la vague
et le frôlement doucereux
des herbes d’eau tentaculaires
Vois : la lune entre deux nuages
éclabousse le lait nocturne
le fin réseau de tes paupières
Oh ! tes yeux durs
tes muscles souples
Il est temps nageur il est temps
voici le roc des lassitudes
le ciel est noir jusqu’au matin
Signoria
VIIII
Plazzale Michelangelo
les ombres courent sur la ville
océan des cloches
soudain
Dire juste le tremblement
cette fêlure dans la vitre
la pluie de cendres sans oubli :
Un autre jour
meurt.
à Bernard Mazo
novembre 1985
Signoria
VII
La métaphore
hélas
n’est pas de mise
Obscur cheminement de l’instant dans le fleuve :
L’homme
nu.
novembre 1985
Signoria
IV
Et ce n’est pas la douleur
cela
juste une flamme qui vacille
sous le souffle froid de l’hiver
moins :
une perle de gel à la pointe d’une herbe
moins encore :
un incertain reflet
dans l’œil ou dans la vitre.
à Notre-Dame-du Boulevard
novembre 1985
Signoria
III
Vertèbre hérissée de prestiges
claque dans l’épaisseur du cri
Lueur
sous de la nuit soudain moins noire :
vertige irisé des ténèbres
Dire juste le tremblement
des moires
là où s’épand le verbe tu.
à Jean-Marie Tixier
novembre 1985
pour Michel Cosem
et
pour Henry de Lumley
12.
Orant
venez prier
sur les lacs bleus
les roches
venez
sanctifier
le pays
des vivants
Saorge, La Ciotat, 1979 -1988
pour Michel Cosem
et
pour Henry de Lumley
11.
Au-dessus du charnier
par-delà
les espaces
un busard crie la vie
point fixe
sur le
mont
son œil indifférent
déjà
voit frémir
l’aube
pour Michel Cosem
et
pour Henry de Lumley
9.
Hommes
devenus
hommes
en votre âpre courroux
laissez crouler
le ciel
fulgurante merveille
un déluge de feu
vous fera souverains