AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jacques Verdier (1)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Soleil Amer

Dans le cadre de l’initiative de Babelio intitulée « Rentrée littéraire [2016], et si on lisait tout ensemble », j’avais aussi choisi ce roman pour trois raisons assez arbitraires : il n’avait pas de lecteurs sur le site à ce moment là, le syntagme nominal du titre m’intriguait et il se passait dans des villes du sud-ouest de la France que je connais assez bien. Depuis, il dormait dans ma pile à lire, toujours relégué sous les nombreux nouveaux arrivants.



Dans Soleil amer, deux narrateurs adolescents, Pierre et Juliette, se partagent une écriture à la première personne. L’auteur présente ainsi deux points de vue entrecroisés et opposés, à la fois différents et complémentaires, sur les années 1970, à Saint-Gaudens, petite ville de Haute-Garonne. Pierre, issu d’une famille de commerçants unie, catholiques pratiquants, souffre de la mort brutale de son père tandis que Juliette évolue dans un cadre bourgeois à l’idéologie libertaire post 1968 et se sent délaissée par des parents aux mœurs débridées.

Cette lecture nous replonge dans l’ambiance « vintage » des années 1970. Personnellement, j’étais à peine plus jeune que Pierre à cette époque là et, comme lui, j’aimais Léo Ferré, Jacques Brel et Barbara et comme son meilleur copain, Les Rolling Stones, les Beatles, Les Bee Gees, Les Doors et les Aphrodite’s Childs… La description d’un concert de Léo Ferré à Toulouse ou encore le mouvement de désobéissance civile autour du Larzac, par exemple, donnent un ancrage au récit de même que certains titres de Johnny Halliday (« J’ai un problème ») ou de Sardou (« La Maladie d’amour ») datent les évènements. Les pantalons en velours à pattes d’éléphants des garçons et les mini-jupes des filles véhiculent des codes vestimentaires aujourd’hui dépassés… La cigarette, omniprésente rappelle un temps où fumer partout donnait un « genre »… Côté politique française, nous retrouvons Giscard d’Estaing, Chaban-Delmas et Chirac, Mitterrand et Marchais… L’actualité internationale se lit autour de la mort du président Allende au Chili… Les lycéens, futurs bacheliers, s’intéressent à la politique, veulent faire la révolution… Toute une époque !!!



La narration s’organise dans un rythme binaire méthodique très régulier, métronomique : Pierre/Juliette, garçon/fille puis jeune homme/jeune femme, famille catho-caté/famille gauchiste libérée, alternance des chapitres consacrés à Pierre et à Juliette, étude comparative des causes et des conséquences…

Le début du roman met en parallèle la douleur de Pierre, déchirante, mais vécue dans une famille unie et aimante même si on n’y communique pas facilement, et le sentiment d’abandon de Juliette que ses parents ne voient pas grandir, préférant la confier à un psychiatre aux méthodes particulières et peu orthodoxes. Puis l’auteur accentue l’opposition entre le garçon bien élevé qui vit ses premiers émois amoureux très platoniquement, tandis que la jeune fille, plus ou moins livrée à elle-même, se met en réel danger. Une intention moralisatrice sous-jacente se met en évidence : les chiens ne font pas des chats…

L’amertume est toujours présente, de plus en plus perceptible. Juliette et sa mère avant elle nous rappellent que sous des apparences émancipatrices, la femme des années 1970 demeure un objet sexuel, n’est bonne qu’à être dominée, à satisfaire son mari ou ses amants et, surtout, est considérée comme incapable de faire autre chose. L’intimité du couple formé par les parents de Juliette est décrite sans filtres, à grands traits caricaturaux : égoïsme, sexe, mondanités.

Avec Juliette, le lecteur est de plus en plus entrainé dans une atmosphère malsaine, avilissante. Juliette devient une héroïne tragique aux actes désespérés : victime de son destin, elle provoque horreur et pitié. Son parcours est autodestructeur, masochiste, atavique dans le désir de ressembler à une mère pourtant haïe, dans une forme de lucidité résignée et de descente en enfer. Pierre, par contre, trouve dans le dessin et la peinture, puis dans le sport, des dérivatifs et des défis qui le tirent vers le haut : il inspire respect et admiration malgré ses faiblesses.

Les parcours de Juliette et de Pierre vont naturellement se croiser car ils fréquentent le même bar, les mêmes boites de nuit et ont des amis communs. Tout se sait à Saint-Gaudens et de bonnes âmes vont le mettre en garde : cette fille n’a pas bonne réputation. La relation qui s’installe entre eux est pourtant pure, respectueuse, romantique ; mais la confiance instaurée pousse Juliette aux aveux. Je n’irai pas ici plus loin que la quatrième de couverture… Lisez !



Soleil amer est un roman d’apprentissage à deux voix : deux parcours adolescents avec la difficulté de se construire et deux vies de futurs jeunes adultes en recherche d’eux-mêmes, parcours semés d’embuches et de désillusions, de bonnes et de mauvaises rencontres, de choix. De nombreux domaines sont abordés, politiques, artistiques, littéraires, sociétaux… ; l’alternance des points de vue permet de déployer de larges palettes représentatives : des émois amoureux hétéro et homosexuels à la découverte du sexe jusqu’à la nymphomanie ou la pornographie, des réflexions sur la vie, sur la mort et sur les prémonitions jusqu’à l’éventualité de la réincarnation pour ne citer que ces exemples…

L’écriture est sans artifice, sans concession et très efficace et réaliste : la scène de viol, par exemple, est décrite un peu comme celle de L'Amour violé, film réalisé par Yannick Bellon et sorti en 1978 (panne de mobylette, les agresseurs qui arrivent en voiture, etc.). Chaque lecteur pourra retrouver les intertextes, les influences et les sources d’inspiration de l’auteur.



Je serais curieuse d’avoir l’avis de ceux d’entre vous, plus jeunes, qui n’ont pas connu les années 1970 ; arrivez-vous à entrer dans cette lecture et à vous l’approprier ? Personnellement, j’ai eu un peu de mal… Soleil Amer est un roman intéressant, certes, mais il me laisse vraiment un goût amer. Est-ce parce que nous avons tous en tête des gâchis que nous n’avons pas su éviter ? Mais ainsi que le disait Juliette : « on ne fait pas des aubes avec des couchers de soleil »…

Commenter  J’apprécie          102


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jacques Verdier (19)Voir plus

Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4873 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur cet auteur

{* *}