Le jour où les hommes disparurent commença comme un dimanche matin ordinaire à Mariquita : les coqs oublièrent d'annoncer l'aube, le sacristain ne se réveilla pas à temps, la cloche de l'église n'appela point les fidèles à assister à l'office des matines, et (comme chaque dimanche depuis les dix dernières années) une seule personne se montra à la messe de six heures : dona Victoria viuda de Morales, la veuve Morales. Celle-ci était habituée à cette routine, de même que le padre Rafaël. Les toutes premières fois, cela avait été gênant pour eux deux : le petit prêtre presque invisible derrière la chaire, prononçant son homélie , la veuve assise seule au premier rang, grande et bien en chair, complètement immobile, la tête couverte d'un voile noir qui lui descendait jusque sur les épaules. À la longue, ils décidèrent de se débarrasser de la cérémonie et prirent l'habitude de s'asseoir dans un coin à boire du café et à papoter.