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Citation de mimo26


Les victimes

Le lieu et l’heure du crime nous ont surpris : en plein jour, dans un quartier chic de Manhattan. Rien à voir avec le Queens pouilleux, théâtre du meurtre commis par Alvin “Le Monstre” Mitchell. Cela s’est passé le mois précédent. À la une du Daily News : UN ADOLESCENT AVOUE AVOIR TUÉ DANS SA CHAMBRE UNE JEUNE FILLE DU QUEENS.

Le Monstre appartenait à un gang de jeunes crétins. Il vivait mal le spleen d’un vendredi soir où il ne se passe rien. La baston prévue ne s’était pas matéria­lisée. Cherchez la femme. Il s’est mis en quête de chatte facile, sans résultat. Il s’est soûlé avec un copain. Ils se sont introduits par effraction dans une école, où ils ont volé des ballons de volley-ball, de football, et des paires de ciseaux. Le copain a volé une Chevrolet de 1961.

Le Monstre connaissait l’adresse de deux filles chez qui ils pourraient passer la nuit. Dans la 140e Rue, chez Barbara Kralik, et chez une autre fille, âgée de 15 ans.
Le Monstre a démonté la porte-moustiquaire de la terrasse et ils sont montés à l’étage.
Barbara s’est réveillée et s’est mise à hurler. Le Monstre l’a tuée en la criblant de coups de ciseaux puis il s’est enfui.
C’était stupide et prévisible. Rien à voir avec le carrefour Park Avenue-88e Rue. Pas de gardien pour assurer la sécurité de l’immeuble. Pas de victimes huppées.

Janice et Emily avaient un emploi. Idem pour leur colocataire, Pat Tolles, qui leur a survécu. Janice travaillait au bureau des dépêches pour l’hebdomadaire Newsweek. Pat faisait des recherches pour Time-Life. Emily avait un contrat pour commencer une carrière d’enseignante à l’automne.

Janice était âgée de 21 ans, Pat et Emily en avaient 25. Elles avaient de l’ambition – oui, avoir un emploi, c’est prendre en main son destin. Sans l’ombre d’un doute, elles ne tarderaient pas à se marier, à épouser un homme qui les ferait accéder à une classe sociale supérieure.

Mercredi 28 août 1963.
Date historique, gravée dans toutes les mémoires : La marche de Washington pour les droits civiques.
La liberté, maintenant ! et : Nous vain­crons !
Washington était envahie par les bonnes âmes.
L’événement était retransmis sans interruption par la télévision.

À Manhattan, 50 000 New-Yorkais sont descendus dans la rue. La Grande Ville est devenue la Ville Fantôme. Les ambitieuses n’ont pas bougé de leur appartement.
Pat s’est rendue mollement jusqu’aux locaux de Time-Life. Emily est partie faire des courses. Janice, qui a échangé ses horaires avec ceux d’une collègue, commençait sa journée à 11 heures du matin.

Emily Hoffert

Un jour, elle ne s’est pas présentée à son lieu de travail. Son absence a provo­qué une certaine agitation. Un assistant a appelé l’appartement des demoiselles Wylie, Hoffert et Tolles, et personne ne lui a répondu. L’assistant a téléphoné à la mère de Janice. L’appartement occupé par Mme Wylie et son mari Max était mitoyen de celui de leur fille.

Mme Wylie était perplexe. Elle ne savait pas où se trouvait Janice. Elle a donné à l’as­sistant un numéro pour joindre Pat Tolles à son travail, et elle a elle-même appelé Pat.

Pat aussi était perplexe. Elle a pensé à Emily et elle a appelé une amie de celle-ci, Susan Rothenberg. Emily et Miss Rothenberg avaient prévu de déjeu­ner ensemble. Miss Rothenberg a déclaré qu’Emily n’était pas venue au rendez-vous. Pat a fait savoir qu’elle cherchait Janice Wylie. Et qu’il fallait qu’Emily l’appelle si elle avait des nouvelles.

Pendant toute la journée s’étaient succédé des appels téléphoniques qui n’aboutissaient pas et des connexions ratées. Pat Tolles est rentrée chez elle en métro, et elle est arrivée à 6 h 25. Le vendredi, elle faisait la une de tous les journaux. Voici celle du Daily News :
“ON RECHERCHE LE FOU QUI A TUÉ PLUSIEURS JEUNES FEMMES.” On y voit une photo de Pat, manifeste­ment rongée par l’inquiétude – juste au-dessous du pli du journal. Elle partage l’espace disponible avec Alvin “Le Monstre” Mitchell. Le Monstre a droit à un éclairage en clair-obscur. Il a une tête d’adolescent obsédé sexuel.

Pat est entrée dans l’immeuble. Elle a pris l’ascenseur jusqu’au troisième étage, elle a déverrouillé la porte 3-C. Aucun bruit dans l’appartement. À l’approche du crépuscule, la lumière pauvre accentuait le sentiment de solitude qu’engendrent les lieux déserts.

Une porte de service accédant à la cuisine était entrouverte. Pat l’avait fermée au verrou le matin même. Deux chambres donnaient sur le couloir central, dont celle d’Emily, qui contenait des lits jumeaux. Pat partageait la seconde chambre avec Janice.

L’éclairage était allumé dans la salle de bains d’Emily. Pat est entrée dans la chambre d’Emily. Voici ce qu’elle y a vu :

Des vêtements, des livres, des papiers, des lettres jonchant le parquet. Deux valises ouvertes sur le lit proche du couloir. Pas de draps sur le lit situé près de la fenêtre. Les tiroirs de la commode étaient ouverts, leur contenu répandu dans la chambre – pièces de monnaie, paquets de cigarettes, bigoudis.

Pat est ressortie de la chambre pour entrer dans la salle de bains, de l’autre côté du couloir. Elle y a vu ceci : Un couteau sur le bord du lavabo. Manche en bois, lame de trente centimètres, une seule traînée de sang. Pat s’est précipitée dans la cuisine. Elle a appelé son petit ami pour lui faire part de ce qu’elle avait découvert. Le jeune homme lui a dit qu’il allait la rejoindre au plus tôt.

Pat a raccroché, puis elle a téléphoné au poste de police du quartier. Son appel a réveillé l’inspecteur Martin Zinkand. Pat l’a informé de ce qu’elle avait vu. Zinkand lui a promis que des inspecteurs allaient intervenir sans délai. Pat a aussi­tôt appelé les Wylie. Elle a raconté toute l’histoire à M. Wylie. Celui-ci lui a dit qu’il venait tout de suite. Pat a raccro­ché et s’est ruée au rez-de-chaussée. Elle a attendu devant l’immeuble. Comme ses nerfs lui jouaient des tours, elle est rentrée en courant. Elle a attendu devant l’appartement 3-C.

Les Wylie sont arrivés. Max Wylie a pris les choses en main. C’était son genre, à cet homme. Sans frémir un seul instant, il a examiné la chambre d’Emily. C’est nous qui aurions dû arriver les premiers. C’est nous qui aurions dû bloquer l’accès en condam­nant la porte. Max Wylie s’est suicidé dix ans plus tard. Nous aurions pu lui épargner dès le début ces pénibles souvenirs.

Toutes les forces de police ont convergé. Un appel général par radio l’a annoncé. L’appartement 3-C s’est vite retrouvé bondé.
Les agents en uniforme sont arri­vés. Marty Zinkand et John Lynch sont venus à leur tour. L’inspecteur en chef Larry Mc Kearney a fait son appari­tion. D’autres flics ont débarqué. Les gradés ont déferlé. Les techniciens du labo ont pris des photos et cherché des empreintes. La chambre d’Emily était le centre névralgique. L’inspecteur Lynch en a dressé l’inventaire. Il a noté ceci : Les deux lits, les vêtements, les livres et les papiers sur le plancher. Les valises sur le lit d’Emily. Les tiroirs de la commode laissés ouverts et leur contenu épar­pillé : exactement ce que Pat avait vu.
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