David Peace nous parle de son premier manuscrit refusé et de l'influence d'
Ellroy.
- Vous êtes en train de nous dire que votre fille, c'était une raclure ? dit Lee.
Short haussa les épaules.
- J'ai cinq filles. Un mauvais numéro sur cinq, c'est pas si mal.
Je lis ce que j’écris, avec beaucoup d’attention et d’intention. J’énonce les mots à mesure. J’ai développé ce style pour exprimer mon amour pour tous les aspects de la langue anglaise. L’apport du yiddish, l’afro-américain, les codes d’alerte et le jargon de la police… J’aime ce ragoût.
(Interview le Monde – 22/11/2019)
"Il a fait ce qu'il a pu", ce n'est pas une mauvaise épitaphe.
C'est l'heure du dîner. Ils font rôtir des rats empalés sur des bâtons de crème glacée.
Ace s'avance dans la clairière. Il prend la pose - l'Exécuteur vieillissant. Les minus le voient. L'un d'eux glousse. Un autre marmonne. Le troisième lâche son rat embroché.
Ace vise au-dessus des flammes. Des détonations étouffées deviennent des trous dans leurs visages, et leurs cerveaux s'enfuient par l'orifice que la balle dum-dum a percé à l'arrière du crâne.
L'impact les écarte du feu. Dudley s'approche et leur tire une balle dans la bouche. Les dents et les mâchoires explosent. Ace lâche son pistolet et lève sa hache.
Le vieil homme les avilit. Dudley le regarde faire. Ace coupe des têtes et des bras. Ace découpe ces minus en quartiers. Pendant toute la durée du rituel, Ace ne cesse de pousser des gémissements de singe.
Sons d'un autre âge. Profanation païenne. Du sang, du feu, des rats grillés sur des bâtons.
_Et je veux que vous sachiez que toutes mes dragues, toutes mes chasses à la chatte croquignolette ne sont que des subterfuges pour masquer le désir salace et outrecuidant que j'ai de VOUS, vous, les hommes du Chapitre 384 des Chevaliers de Colomb, vous, superbes et splendides morceaux de manicotti aux braciolas taille impériale que je ne peux tout simplement pas attendre de sauter, de fricasser, de prendre au plus profond de mes tetrazini si terriblement tentants !
Deuxième partie
Collusion (Janvier 1959-Janvier 1961)
Chap 19-p 201-

Mes cerbères m'ont apporté du papier et des stylos. Ils ont rassemblé la collection complète de Confidential. Mes synapses grésillent d'un million de souvenirs malsains. Freddy Otash, 1922-1992. Flic véreux, détective privé, roi de l'extorsion sournoise. Je suis le deus ex machina démoniaque de mon temps et espace en loques. Je suis le monstre qui manipulait et muselait Hollywood. Je suis l'homme qui détient tous les secrets salaces que vous brûlez de connaître, bandes de morbides mortels!
Confidential préfigurait l'infantile Internet. Nos raclures de racontars à nous étaient d'un réalisme répugnant. Les blogueurs hâbleurs d'aujourd'hui, avec leurs révélations renversantes? Des foireux froussards, tous autant qu'ils sont. Nous, on souillait les grands studios, on flinguait les flibustiers de la politique. On a injecté à l'Amérique le venin du voyeurisme et on l'a rendue accro à cette drogue diabolique. ON A CREE LA CULTURE DES MEDIAS MODERNES QUI DEBALLENT TOUT. On a élaboré une langue cinglante qui est devenue notre marque, notre modèle.
Jimmy chronomètre le coït: une minute quarante-six secondes. Les partenaires: le futur président et futur martyr à la mords-moi-le-noeud JFK, et la somptueuse suédoise Ingrid Bergman. Le magnéto a capté des confidences sur l'oreiller. Jack tousse et dit: "-Aaaah, que c'était bon." Ingrid bâille et rétorque: "-Enfin, pour un de nous deux, peut-être."

Le père de Johnny le tient pour une mauviette et organise une cérémonie initiatique afin d'exalter sa virilité: il faut qu'il achève le vieux chien de chasse de la maison. Johnny refuse et son père l'expédie dans un "centre d'apprentissage" dirigé par des sœurs appartenant à une secte extrémiste. Les sœurs enferment Johnny sans pain ni eau dans une cave infestée de rats, et ne lui donnent pour se défendre qu'une unique pelle. Deux jours passent. Johnny se recroqueville dans un coin et hurle à en perdre la voix tandis que les rats lui mordillent les jambes. Le troisième jour il s'endort par terre et lorsqu'il se réveille il aperçoit un énorme rat qui détale, un morceau de sa lèvre entre les pattes. Johnny hurle, s'empare de la pelle et frappant furieusement, il extermine tous les rats de la cave. Le père de Johnny le ramène à la maison le jour suivant. Il passe une main bourrue dans ses cheveux en l'appelant "le petit ratier de papa". En arrivant, Johnny se dirige droit sur le râtelier à fusils de son père, saisit un fusil de calibre 12 et d'un pas assuré se rend au chenil où cinq Labradors et cinq chien d'arrêt à poils ras gambadent derrière le grillage. Johnny les fait passer de vie à trépas, il fait demi-tour et soutient le regard de son père qui pâlit, puis s'évanouit. Des semaines passent. Son père l'évite.
Le sénateur John F. Kennedy est plutôt un matou ténument tumescent, plein d'un penchant péniblement piquant pour ces félines de félicité à la fine fourrure qui trouvent sa personne fantastiquement fascinante.
-Première partie-Extorsions-
-Chap 10- Los Angeles, 14 décembre 1958. p 122
Document en encart : 2/4/61. Transcription mot à mot d'une conversation téléphonique FBI. - Transcrite à la demande du directeur -Destinataire unique : le directeur - Interlocuteurs : Directeur J. Edgar Hoover, Procureur général Robert F. Kennedy.
[...] JEH. - Puis-je me permettre de souligner que je considère cet éclat d'invectives du plus mauvais aloi et totalement imbécile dans sa perspective historique ?
[...] RFK.- Le concept du Droit des Etats
a servi d'écran de fumée qui n'a fait qu'obscurcir absolument tout, depuis la ségrégation de fait jusqu'aux lois obsolètes sur l'avortement.
Troisième partie
Cochons
Février - Novembre 1961
Chap 63 - Washington D.C.,
26 mars 1961. P 501.