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Citation de enkidu_


La déesse se révèle sous la forme d’une divinité universelle qui réunit en elle toutes les divinités, et abolit toutes les distinctions. Tous les noms que les peuples donnent à leurs divinités suprêmes sont ses noms à elle, Isis est appelée la « déesse aux dix mille noms », elle réunit en dernière instance la totalité des noms de dieux. Dans le Corpus Hermeticum, on trouvera un passage célèbre (parce que cité par Lactance) qui jouera un rôle important dans notre histoire. Il stipule que Dieu a soit tous les noms, soit aucun nom puisqu’il est unique et qu’il est tout. Isis s’identifie à cette conception de la divinité. Mais elle va plus loin encore. Elle a aussi, outre ces « noms des peuples » équivalents, un « vrai nom ». Seuls les deux peuples qui « possèdent la doctrine originelle » l’utilisent : les Égyptiens et leurs voisins du Sud. Il s’agit bien sûr ici de Philae, le lieu de culte principal de la déesse situé à la frontière de l’Égypte et de « l’Éthiopie »(1) (...) mais il n’existe pas d’opposition, encore moins d’antagonisme contre-religieux, entre la religion d’Isis chez les Égyptiens, fondée sur le culte du « vrai nom », et les cultes d’Isis chez les différents peuples qui s’adressent à la même divinité en recourant à ses noms conventionnels. La notion de « vrai nom » ne fait pas de ces peuples des païens, mais simplement des hommes initiés à un moindre degré. Tous révèrent la même divinité, et il s’agit bien de cette identité naturelle transcendant toutes les différences culturelles. Et tous ont la possibilité d’être initiés et d’apprendre le vrai nom de la divinité.
(...)
L'idée de conventionalité et donc de la traductibilité des noms de dieux reposait sur l'évidence naturelle, c'est-à-dire sur une référence à des expériences accessibles aux hommes. C'est exactement en ce sens que Sénèque renvoie à l'évidence visible de l'unité de Dieu : « Ce tout, que tu vois, et qui englobe les dieux et les hommes, est un être unique. Nous ne sommes que les membres d’un grand corps. » Selon Servius, les stoïciens enseignaient qu’il n’existait qu’un dieu dont les noms variaient en fonction de ses modes d’action et de ses attributions (…) dans la sphère de cette conviction religieuse générale, que j’appelle « cosmothéisme » (reprenant par là une expression datant du XVIIIe siècle et sur laquelle je reviendrai), il n’y avait pas place pour l’antagonisme religieux. C’est la raison pour laquelle la force antagonique de contre-religions comme le judaïsme et le christianisme a produit un tel choc dans les milieux cultivés de l’Antiquité.

(1) Le fait qu’Apulée attribue la vraie tradition non seulement aux Égyptiens, mais aussi aux Éthiopiens, s’explique par la situation géographique de Philae, principal lieu de culte d’Isis, à la frontière entre l’Égypte et la Nubie (« Éthiopie »). (pp. 87-93)
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