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Critiques de Jan Skacel (2)
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Ce que le vin sait de nous

« Je ne veux pas qu’un dieu quelconque me gratifie.

J’ai le mien depuis longtemps,

à mon propre usage et pour ma rectitude.

Et pour l’humilité dont j’ai besoin.



Il arrive parfois que l’âme humaine pue

comme un chien mouillé.

Je ne blasphème pas. Je veux seulement

que la douleur soit douleur

et qu’une larme soit larme. »

(-Le contrat- p.14)



Le poète qui écrit ceci, ne se soucie pas d’esthétique.

Ses passions sont avant tout d’ordre moral et sentimental.

Jan Skácel n’est pas un homme qui veut tricher.

Voilà un poète qui est trop fier pour jouer avec le lecteur, pour inventer des métaphores brillantes !

J’ai trouvé que la fermeté et la densité sont des traits frappants de sa poésie, et cela m’a particulièrement plu.



Jan Skácel est né en 1922, dans la famille d’un maître d’école, dans une petite localité de Moravie, dans le pays du vin, et le vin était souvent le thème de sa poésie, d’où le titre de ce recueil : « Ce que le vin sait de nous ».

Le village de son enfance où il passe les cinq premières années de sa vie, le marqueront à jamais : « Je retiens de ce village plus que de tout le reste de ma vie ».

Sa vie n’aura pas été un long fleuve tranquille… Bachelier en 1941, il ne travaille que quelques mois comme ouvreur de cinéma, avant d’être envoyé aux travaux obligatoires en Autriche !

Après la guerre, il étudie à la faculté des lettres de Brno, et devient ensuite journaliste dans des revues littéraires. De 1963 à 1969, il est rédacteur en chef de la revue Host do domu (Un invité dans la maison).



Suite au Printemps de Prague de 1968 et à l’invasion soviétique, ses écrits sont interdits. Il est exclu de la littérature officielle. Il accepte néanmoins sa condition humaine et poétique, mais il continue à s’insurger contre la bêtise et la médiocrité.

Il exprime sans cesse par les vers l’amour de son pays, de la nature et de l’homme.

Il écrit sur l’enfance et les enfants, la douleur et la mort.



Pendant de nombreuses années, ses poèmes ne sont publiés qu’en samizdat et à l’étranger.

Ce n’est qu’au début des années 1980 que Jan Skácel peut de nouveau publier dans son pays.

L’ironie du sort veut que le poète soit mort le 7 novembre 1989, dix jours seulement avant la fameuse révolution de Velours qui a balayé le régime communiste !



« Les poètes ne composent pas les poèmes. Le poète trouve le poème. »

Voilà ce qu’écrivait Jan Skácel, et ces paroles démontrent qu’il considérait la création poétique comme l’aboutissement d’une recherche patiente et modeste. Pour lui, le poète est un témoin humble, attentif et sensible du monde, et la création est un processus tout à fait naturel et limpide.



Jan Skácel aborde la réalité avec la franchise d'un homme sincère et l'innocence d'un enfant qui apprend à vivre et découvre le monde. Il a sa propre conception de la beauté :

« La vérité est beauté. La beauté doit être vraie et la vérité doit être belle si elle doit avoir un sens. Mais la vérité est une chose très compliquée. Je n'aime pas les gens persuadés d’avoir raison et qui cherchent à imposer leur vérité. Je pense que personne n'a raison et que la vérité ne doit appartenir à personne. Mais notre devoir est pourtant de chercher la vérité pendant toute notre vie. La vérité est quelque chose qui est en perpétuel mouvement, en perpétuelle évolution. Combien de mauvais actes ont été commis par des gens persuadés de connaître la vérité. »



Jan Skácel réussit à nommer de façon condensée des choses compliquées sans avoir recours au pathos, aux cris hystériques, ni à des formes baroques. Et il maîtrise le raccourci :

« Quand je perdrai ma voix /non seulement par ma faute/et que tu seras la seule à m’entendre/alors je te dirai/ce que ne dit que le muet/et celui que le silence/avait prévenu. »



Sa poésie est sans emphase, remplie de sincérité et de pureté.

Il cherche toujours la signification profonde et chasse de sa poésie tout ce qui est superflu, tout ce qui n’est pas tout à fait nécessaire.

Mais malgré sa sobriété et sa simplicité, sa poésie n’est pas ascétique ! Elle ne manque pas de tendresse et de délicatesse.



Dans sa poésie, on trouve les images de la vie de tous les jours et la dimension morale de l’existence.

Il est aussi attentif à la nature elle-même, cette nature qu’il aime avec passion, et qui souffre tellement de l’égoïsme et de l’indifférence des hommes.

Sa poésie évoque avec nostalgie les valeurs ancestrales qui disparaissent avec le monde moderne.



La nostalgie, la tristesse et l’angoisse sont les compagnes fidèles de Jan Skácel, qu’il arrive cependant à maîtriser. C’est aussi la poésie elle-même qui lui permet de vivre et d’espérer. On le sent conscient du temps qui passe. Il nous emporte vers un avenir lourd de dangers, de défis et de promesses, et il dit avec une lueur d’espoir : « Les plus beaux poèmes sont ceux qui n’ont pas encore été écrits. »



La métaphore dans sa poésie est aussi simple qu’étonnante et elle nous fait découvrir presque toujours quelque chose qui se cachait au fond de la réalité.

Milan Kundera résume son impression de lecture de la poésie de Jan Skácel par ces mots :

« Ses vers sont une fusion quasi incroyable de la plus grande simplicité possible avec une réflexion qui est la plus profonde et tout à fait originale. »



Ce n’est qu’après sa mort qu’on lui décerne le Prix Pétrarque et le Prix d’Europe Centrale.



Et c’est grâce aux Editions « La Lettre volée » de Bruxelles, que les amateurs de poésie francophones ont la possibilité de lire aujourd’hui dans leur langue les vers de Jan Skácel.

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Ce que le vin sait de nous

Le toast

Trinquons à la santé

et buvons en silence.

Nous ne dirons jamais

Ce que le vin sait de nous

Une étoile filera.

Fine comme une lamelle.

Et l'eau auprès des ponts

sera toute argentée.
Lien : http://bruitdespages.blogspo..
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