AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


Cette époque semble ne plus tenir à grand-chose. Elle qui fuit son propre désastre en se réfugiant dans son « vaisseau spatial Terre ». Elle qui avait mis tant d’espoirs dans la religion du Progrès, voilà qu’elle se trouve livrée aux commandes d’un globe à la dérive, délestée de tout sens, proprement extra-terrestre. Elle qui prétend gouverner le monde, voilà qu’elle s’en éloigne irrémédiablement. Jusqu’à devenir hors sol. La gestion technocratique est le maigre salut dont elle peut encore se prévaloir.
Car cette époque ne fait plus que ça : gérer. Elle gère des éco-systèmes, elle gère les populations, elle gère les corps, au même titre qu’elle gère un réseau électrique, qu’elle gère une salle de contrôle, qu’elle gère une cabine de pilotage. Elle qui voulait se construire un paradis, voilà qu’elle vit un véritable enfer. La cartographie qu’elle nous donne à voir se décline désormais sur ce paysage dévasté : d’un côté des chantiers titanesques de destruction du vivant, de l’autre une biodiversité muséale.
On n’aura jamais autant parlé de la « planète », du « climat », de l' »environnement global » qu’au moment même où nous nous retrouvons enfermés dans le plus petit des mondes, le monde des ingénieurs. Jamais autant disserté sur la « diplomatie climatique » que là où l’on juge de tout par des calculs et des algorithmes. Autant glosé sur le carbone pour en planifier des marchés. Les milieux naturels comme les lisières ou les haies de nos campagnes deviennent des infrastructures parmi d’autres, des IAE – « infrastructures agroécologiques » – avec leurs « services écosystèmes » répertoriés par télédétection spatiale.
Cette vision stratosphérique procède de l’idée selon laquelle nous résiderions sur ce globe comme s’il s’agissait d’une carte 1/1, un plan sur lequel on pourrait mettre à plat les êtres et les choses en temps réel. À la manière dont un écran fait défiler telle ou telle variable de population, te ou tel curseur de biomasse. Toujours des points répertoriés, des flux contrôlés. Tout ce qui relève encore de l’hétérogène, tout ce qui vit d’une prodigue opacité, toujours trop chaotique aux yeux des « intendants de la planète », est sommé de se laisser intégrer à cette mise en équivalence généralisée. Rendu lisible et gouvernable.
(…)
Il paraît qu’on peut juger d’une époque à la manière dont elle traite ses forêts. On jugera celle-ci à la manière dont elle mesure, pixel par pixel, son propre anéantissement.
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}