Au premier rang de ces courageux, deux pauvres malheureux, trempés et tremblants de froid sous les grains, s'accrochaient désespérément, comme des naufragés, à une couronne de fleurs dont le bandeau ne portait désormais plus que : Lily et Loulou à leur ami Jojo ... en letttres dorées !
- A qui le tour? ne put s'empêcher de dire un indélicat qui eu droit au regard noir et désapprobateur du maire.
Comme le défunt était domicilié sur l’île mais sans revenus déclarés, la mairie n’avait pas le choix. Elle devait faire appel au CCAS, autrement dit au Conseil communal d’action sociale pour régler les frais d’église, du cercueil, des divers transports, de la crémation et de l’emplacement au columbarium faute de tombe familiale dans un des cimetières.
la légende du Gars de la Côte qui autrefois prédisait la tempête et dont la voix lugubre était un funeste présage à quelque naufrage ? Ou celle de l’Ankou, spectre armé de sa faux et avant-coureur de la mort que tous ces marins d’hier, pourtant d’une trempe exceptionnelle, craignaient beaucoup plus que les éléments déchaînés de leurs navigations.
Courbant de plus en plus la tête sous le poids des ans, elle commençait même à la perdre par moments. Elle folaillait tout simplement comme beaucoup d’autres, suivant l’expression îlienne !
Depuis la mort de celle-ci (sa mère), aujourd’hui la cinquantaine passée, il vivait dans cette trop grande maison pour lui et dilapidait le peu d’héritage qui lui restait tout en profitant des aides de l’Etat. Revenus qu’il partageait depuis une bonne vingtaine d’années avec deux pauv’meuchants du même acabit et une moins-que-rien qui passait à la demande d’un lit à l’autre. Mais attention… dans la dignité ! Chacun chez soi, surtout pour cuver sa cuite !
Un chat noir… et pourquoi pas un lapin pendant qu’on y est ! murmura-t-elle. Touchons du bois ! Elle avait brisé cette superstition de son père qui, comme tout bon marin pêcheur-breton, considérait comme néfaste la rencontre de ces deux quadrupèdes avant de partir en mer. La pêche en effet risquait d’être mauvaise et au pire la tempête de se lever ! Du lapin il ne fallait surtout pas citer le nom et encore moins en embarquer si on ne voulait pas s’attirer les foudres de l’équipage et risquer de passer par-dessus bord.
Si parfois l’un de ces habitués manquait à l’appel, les autres s’en étonnaient et s’inquiétaient de son absence car tous faisaient partie de la génération des tamalous et des phytalgiques faisant craindre le pire !