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Citation de Olaf


Olaf
18 septembre 2016
Le soir, le jeune homme et la petite amie se retrouvent aussi sûrement que deux parenthèses qui ont concentré la journée entre leurs ventres convexes. Elle est en stage dans une clinique pour trois semaines et elle a assisté à son premier accouchement in vivo.
- C’est dingue! dit-elle. Tu es soudain face à l’origine du monde. Tu as envie de pleurer. Tu pleures. Qu’est-ce que tu veux faire d’autre? Les mains, qui ont fait la vaisselle, qui ont tapé à l’ordinateur, qui ont descendu les poubelles, ces mains-là recueillent le petit voyageur. La tête du petit voyageur, les épaules du petit voyageur, le corps du petit voyageur. Tu as vu mes mains? Regarde-les bien. Bientôt, ce ne seront plus les mêmes parce qu’elles ont commencé à toucher les origines du monde. C’est le truc le plus concret que j’aie jamais vu. Le plus irréel! Merci les mains! dit-elle en les dressant devant elle. Ses yeux! Tu aurais vu ses yeux! continue-t-elle. Quelle innocence! Ça fait peur une telle innocence. Une telle force! ça te submerge. Il n’y a plus qu’une chose qui compte après cela. La beauté. Nous venons au monde pour le rendre à la beauté quelques secondes. C’est l’unique raison! La beauté! La beauté! La beauté!
Le jeune homme est très impressionné par l’expérience de sa petite amie, lui qui se sent si souvent au bord d’apparaître ces derniers temps.
- Je suis allé au ciné, dit-il enfin pour faire part lui aussi de sa petite particularité de la journée. Tu connais Dead man de Jim Jarmusch? demande-t-il. Dead Man répète-t-il. De Jim Jarmusch.
- Merci les mains, dit-elle à nouveau, les faisant tourner devant elle, comme si elles venaient de pousser au bout de ses bras.
Elle ne connaît pas Dead Man de Jim Jarmusch.
On la comprend, elle est en pleine extase métaphysique, dans le potage vibrant de la vie, et l’autre lui sert du Dead Man. Le bout merdeux du bâton.
Il s’abstient de dire qu’il l’a vu deux fois de suite, au péril d’une précieuse photosynthèse. Qu’il vibre encore de la tension envoûtante et archaïque de la guitare de Neil Young, le rocker élégant qui a fait de sa musique un lien flamboyant que les cordons ombilicaux conjoints de la Bible et du Coran.
Il ne lui demande pas si elle a déjà entendu parler de Neil Young.
- J’ai choisi le plus beau métier du monde, dit-elle. Les traders sont des ânes.
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